La Peste

La Peste Résumé et Analyse

Bien que l'épidémie semble décroître, personne n’ose véritablement se réjouir. Le passé ne peut être restauré d'un seul coup. Néanmoins, alors que la fraîcheur règne, en janvier, la maladie perd de sa sévérité. Le sérum de Castel fait des progrès et les autres traitements s'avèrent pour la plupart méritoires. Même si certains meurent encore, dont Othon, l'épidémie recule nettement. La stratégie pour la combattre n'a pas changé, mais elle semble maintenant fonctionner.

Les gens sourient davantage lorsqu'ils vaquent à leurs occupations mais oscillent toujours entre optimisme et désespoir. Certains tentent encore de s'échapper, pensant qu'ils ont réussi à tenir jusqu’ici et qu'ils doivent sortir de la ville avant de mourir. Les prix baissent et les personnes qui vivaient autrefois en groupe, comme les religieuses, retrouvent leur mode de vie initial. Les portes de la ville resteront fermées pendant deux semaines et les restrictions perdureront pendant un mois encore, mais la nuit du 25 janvier est placée sous le signe de la fête. Le préfet ordonne que les rues soient éclairées comme autrefois et beaucoup se réjouissent. Bien sûr, d'autres sont sous le coup de l'émotion et retardent leur joie, préférant attendre que leurs proches aillent mieux.

Tarrou, Rambert et Rieux se joignent à la foule ce soir-là et ont eux aussi l'impression de marcher sur un nuage. La tristesse se mêle à la joie. Tarrou est heureux de constater qu'il voit le premier chat depuis le printemps.

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À ce stade, le journal de Tarrou est moins objectif qu'auparavant et saute du coq à l’âne. Il écrit sur Grand, qui est en convalescence puis retourne au travail, et sur Cottard. Il parle positivement du dévouement et de la grâce de Mme Rieux, et dit à Rieux qu'elle lui rappelle sa propre mère.

Cottard commence à être perturbé par le recul de la peste. Lorsque les gens sont inquiets, il se sent mieux. Lorsque les choses s'améliorent, il se retire et s'isole du monde extérieur. Il est bourru et demande à Tarrou s'il pense que les choses vont revenir à la normale. Tarrou répond que “la peste changerait et ne changerait pas la ville” (253). Les gens voudront revenir à la normale, mais c'est impossible. Cottard répond qu'il espère que toute l'organisation de la ville sera changée. Tarrou admet qu'il pourrait y avoir de nouveaux problèmes lorsque la vie reprendra son cours normal.

Tarrou suggère alors que tout le monde pourrait essayer d'avoir une nouvelle vie et Cottard convient que ce serait l'idéal. Mais soudain, alors qu’ils se promènent dans la soirée, deux hommes s'approchent d'eux et leur demandent si Cottard est bien Cottard. Cottard s'enfuit dans l'obscurité. Les hommes disent à Tarrou, surpris, qu'ils veulent obtenir des informations de sa part. C'est ici que se termine le journal de Tarrou.

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Rieux attend un télégramme de sa femme. Il est rempli d'espoir et s’attend à recevoir de bonnes nouvelles. Mais une fois rentré chez lui, sa mère lui apprend que Tarrou ne va pas bien. Il semble que ce soit la peste, mais Rieux ne veut rien confirmer. Sa mère et lui décident d’accueillir Tarrou chez eux et de veiller sur lui. Tarrou insiste pour que Rieux lui dise la vérité sur son état et Rieux le lui promet. Le docteur observe le combat de son ami contre la maladie, sachant que seule la chance pourra le sauver. Tarrou lutte contre la peste en silence et avec détermination mais sa rémission s'interrompt. En attendant, Rieux entend “aux limites du silence, le sifflement doux et régulier qui l'avait accompagné pendant toute l'épidémie” (p. 259).

Le soir, Rieux annule ses consultations et s'assied au chevet de Tarrou tandis que son ami s'éteint. Des larmes d'impuissance emplissent ses yeux. Lorsque Tarrou meurt, Rieux se demande s'il a trouvé la paix. Sa mère le réconforte et il apprécie l'amour silencieux qu’il y a entre eux. Le lendemain matin, un télégramme annonce la mort de la femme de Rieux. Il s'y attendait et se dit que la souffrance qu’il éprouve n'est pas nouvelle.

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La cérémonie d'ouverture des portes a lieu en février. La ville est en liesse alors que les trains se préparent à entrer et à sortir. Les amoureux qui se réunissent tremblent d'impatience et d'excitation. Rambert et sa femme se retrouvent en larmes, Rambert s'émerveillant de la situation. Nombreux sont ceux qui n'auront jamais l'occasion de retrouver leurs proches, mais la plupart des gens n'ont pas à l'esprit de tels deuils. On danse dans les rues, les cafés sont bondés, les églises tiennent des services d'action de grâce. Il semble que les émotions autrefois mises en sourdine peuvent enfin s’exprimer. Certaines personnes, à nouveau réunies, se rendent aux endroits qui ont pris une signification particulière pendant la peste. Il semble que chacun veuille oublier l'enfer des derniers mois.

Rieux marche dans les rues et commence peu à peu à se sentir lié à “ce grand corps hurlant” (p. 270), sachant qu'ils ont tous souffert ensemble.

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Rieux avoue qu'il est l'auteur de la chronique. Il doit se justifier en disant qu'il a cherché à être objectif et fidèle à la vérité, n'utilisant que les documents qui lui parvenaient. Il a toujours pris le parti des victimes et n'a fait intervenir ses histoires personnelles que lorsqu'elles pouvaient éclairer la situation générale. Il quitte la fête pour se rendre dans la rue où vivent Cottard et Grand. La rue est encerclée par la police et des coups de feu sont tirés. Grand s'approche, choqué, et dit qu'il vit ici. Ils réalisent que Cottard tire sur tout ce qui s'approche. La police prend finalement l'endroit d'assaut et fait sortir Cottard, qui semble fou.

Après tout ce remue-ménage, Grand confie à Rieux qu'il a écrit une lettre à Jeanne et qu'il a recommencé son manuscrit, en omettant cette fois tous les adjectifs. Rieux rend visite à son ancien patient asthmatique, toujours aussi heureux et bizarre. L'homme demande des nouvelles de Tarrou et Rieux lui répond qu'il est mort. L'homme soupire que ce sont toujours les meilleurs qui partent mais que Tarrou savait ce qu'il voulait. Rieux demande, après une minute, s'il peut monter sur la terrasse. Le vieil homme acquiesce et Rieux monte sur le toit. L'air est frais et l'on entend les sons de l'exaltation et de la délivrance. L'ambiance est totalement différente de la nuit qu’il a passée ici avec Tarrou. C'est alors que Rieux se rend compte qu'il doit écrire cette chronique, “pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés” (p. 279). Cependant, en écoutant les gens exulter en bas, il se rappelle que la joie est éphémère, car la peste peut rester en sommeil pendant des années et revenir soudainement.

Analyse

Lorsque la peste prend fin, les citoyens d'Oran agissent de manière compréhensible : ils hésitent à se réjouir trop tôt ; lorsqu'ils le font enfin, ils ne veulent pas qu'on leur rappelle ceux qui sont encore en deuil ; et ils souhaitent reprendre une vie normale, même si, paradoxalement, tout a irrémédiablement changé.

Cela ne veut pas dire que certains des personnages principaux n'ont pas évolué. Grand, remis de la peste, écrit enfin à sa femme dont il est séparé et recommence son manuscrit. Autre exemple, Rambert embrasse sa propre femme pour la première fois depuis son arrivée à Oran, sachant pertinemment que la distance physique et psychologique provoquée par l'isolement rend leur amour futur plus difficile.

Rieux s'autorise pour la première fois à ressentir un peu de bonheur, “sentant qu’il les [les habitants d’Oran] rejoignait.” (p. 279). Sur le toit, pendant cette nuit de fête, il décide d'écrire sur la peste “pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu'il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.” (p. 279). Pourtant, toujours réaliste, Rieux reconnaît que “cette allégresse était toujours menacée” et que la peste, “pour le malheur et l’enseignement des hommes (...) réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.” (p. 279).

Cottard est un personnage qui ne tire aucune leçon de la peste et qui ne change pas pour le mieux. Réalisant qu'avec le déclin de l’épidémie, son arrestation est imminente, il agit de façon erratique. Tarrou avait déjà identifié le processus de pensée de Cottard, qui est convaincu “qu’un homme en proie à une grande maladie ou à une angoisse profonde, est dispensé du même coup de toutes les autres maladies ou angoisses.” (p. 178). Cela signifie que tant que la peste est la réalité dominante, Cottard est libre. Il se délecte d'être un “complice” en harmonie avec ce qui l'entoure, puisque tout le monde a enfin les mêmes craintes que lui. À la fin du roman, Cottard, acculé par la police, commence à tirer dans la rue avant d'être arrêté.

Le critique Elwyn Sterling pose la question suivante dans son article sur Cottard : “pourquoi est-il juste et approprié que La Peste se termine par l'épisode de la folie de Cottard ?” Tout d'abord, le sentiment de collectivité et de communauté qui était présent pendant la peste commence à s'estomper ; l'individu et son expérience du monde priment à nouveau. Cottard n'est plus connecté aux autres et n'aura pas de nouveau départ. Deuxièmement, rien ne va vraiment changer après la peste. Les gens vont retourner à leur vie d'avant, et l'espoir de Cottard d’un “retour à zéro” ou au moins d’une “réorganisation des anciens services” (p. 253) ne se concrétise pas. Sterling pense que la punition de Cottard n'est pas nécessairement importante pour elle-même, mais est “un point qui rétablit un équilibre entre une vision essentiellement optimiste de la réaction humaine à une menace clairement définie pour le bien-être général et une vision non moins pessimiste... de l'indifférence humaine à la souffrance d'autrui en l'absence d'un danger clair et présent.”.