La Peste

La Peste Résumé et Analyse

La ville est entièrement à la merci de la peste. Il n’y a rien à faire, mis à part tenter de surmonter la fatigue. Les habitants semblent moins intéressés par les informations, alors qu'auparavant, ils attendaient impatiemment chaque nouvelle. Rambert dirige un camp d'isolement dans un hôtel et Grand est confronté aux chiffres qui lui parviennent. Il est soumis à une immense pression et est enclin à des excès de sentimentalité. Rieux apprend que l'état de sa femme s'est aggravé mais qu’elle est bien prise en charge. Tarrou va bien, mais les entrées de son journal ont perdu leur profondeur et leur richesse ; il semble surtout s'intéresser à Cottard. Le docteur Castel est très usé, ce qui inquiète Rieux. Il sent que sa propre sensibilité est problématique. Il s’est complètement endurci pour pouvoir continuer à travailler. Il n'a plus d'illusions. Ses quatre heures de sommeil ne se prêtent pas à la sensiblerie. Il voit les choses telles qu'elles sont : “selon la justice, la hideuse et dérisoire justice.” (p. 176). Les habitants, notamment les amis et les associés de Rieux, sont plus enclins que jamais à la “négligence” (p. 177) et ne font que ce qui est absolument nécessaire. Certains d'entre eux enfreignent de petites règles ; “la lutte elle-même contre la peste (...) les rendait alors le plus vulnérables à la peste.” (p. 177).

Cottard est toujours heureux. Il se tient à l'écart de Rieux et de Rambert mais cherche Tarrou. Le journal de Tarrou brosse le portrait d'un homme qui semble grandir. Il est content d'être avec les autres au lieu de rester à l'écart de la société. Il perçoit les réactions de chacun comme ce que lui-même a toujours vécu ; il ressent la superstition, la peur, la panique, l'inquiétude. Il est heureux de faire partie d’un groupe et de vivre l'instant présent. Puisque lui, observe Tarrou, “a vécu dans la terreur, il trouve normal que les autres la connaissent à leur tour. Plus exactement, la terreur lui paraît alors moins lourde à porter que s’il y était tout seul.” (p. 181).

Tarrou raconte avoir assisté avec Cottard à une représentation d'Orphée et Eurydice donnée par une compagnie itinérante qui s'est installée dans la ville. La compagnie joue un spectacle par semaine. C'est une pièce divertissante jusqu'à la toute fin, quand l'acteur jouant Orphée semble de plus en plus dépassé et tombe de façon grotesque. Lorsque la musique s'arrête et que le spectacle s'achève, le public sort en file indienne, confus, puis s’éloigne de plus en plus vite avec dégoût. La peste ne peut être tenue à l'écart, pas même dans les limites civilisées de l’art.

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Rambert apprend qu'il peut s'installer avec Louis et Marcel dans quinze jours. Entre-temps, il continue inlassablement son travail. Il confie à Rieux qu'une nuit, il s'est rendu dans la partie haute de la ville et a crié le nom de sa femme. Mis à part cet incident, il attend tranquillement son heure.

Rieux l'avertit que Monsieur Othon lui conseille de faire attention à ne pas fréquenter les contrebandiers et de se dépêcher. Rambert le remercie puis lui demande pourquoi il n'essaie pas d'empêcher son départ. Rieux soupire qu'il ne sait pas ce qui est juste. Il doit lui aussi contribuer au bonheur de tous.

Rambert s'installe dans la petite maison espagnole. Les frères ne sont pas souvent là mais leur vieille mère est gentille. Il apprend finalement qu'il doit partir la nuit suivante à minuit. Il décide de sortir et rend visite à Rieux à l'hôpital. Il trouve Tarrou dans son bureau, qui dit à Rambert qu'il hésite à le laisser entrer car il essaie d'épargner Rieux autant que possible. Rambert comprend mais répète maladroitement sa demande. Tarrou sourit et le conduit dans une petite pièce pour lui donner un masque.

Il fait une chaleur étouffante dans la salle, malgré les ventilateurs. On y entend des gémissements et des cris. Des hommes en blanc passent d'un lit à l'autre. Rieux se penche sur un patient pour lui percer l'aine. Tarrou lui apprend que Paneloux est prêt à remplacer Rambert pour s’occuper des personnes en quarantaine. Il désigne ensuite Rambert. Rieux demande pourquoi il est venu et Rambert dit qu'il aimerait lui parler. Comme Rieux a terminé, il lui propose de sortir.

Dans la voiture, Rambert dit à Rieux qu'il ne veut plus partir et qu'il veut rester avec lui. Surpris, Rieux demande des nouvelles de sa femme. Rambert répond qu'il aurait honte de lui s'il ne faisait pas ce qu'il fallait. Il se sentait autrefois seul dans cette ville mais il en fait à présent partie, qu'il le veuille ou non. Les autres se taisent. Rambert attend, confus par leur silence. Rieux dit tranquillement qu'il ne sait rien et que Rambert peut rester s'il le souhaite. Rambert a pris cette décision de sa propre initiative, même s’il ne sait pas comment l’expliquer.

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Le sérum anti-peste de Castel est prêt vers la fin du mois d'octobre. Il constitue le dernier espoir de Rieux. Le jeune fils de Monsieur Othon est malade et la famille est à nouveau mise en quarantaine. Othon demande à Rieux de sauver son fils et accepte les aménagements proposés – une chambre pour Madame Othon et la petite fille, un camp d'isolement à la gare municipale pour Othon. L'infection du garçon se propage et Rieux lui administre le sérum. Après un long processus d'inoculation, Rieux, Paneloux, Tarrou, Grand et le docteur Castel se réunissent pour en observer les effets. Le visage de Paneloux est marqué par le chagrin. Le garçon se raidit, se détend, et ce encore et encore. La plupart de ces hommes ont déjà vu des enfants mourir mais aucun n’a assisté à leur agonie minute par minute. Ils souffrent profondément en voyant cet enfant innocent en train d’expirer devant eux. Le garçon halète et tremble. Sa chair est décharnée ; il prend, dans son lit, “une pose de crucifié grotesque” (p. 195). Castel s'éclaircit la gorge et s'enquiert de la rémission. Rieux lui dit qu'il oppose plus de résistance que prévu. Paneloux se dit amèrement que cela rend sa souffrance pire.

Ailleurs dans le service, quelqu'un crie. Rieux prend le pouls du garçon et prie silencieusement pour qu’il soit régulier. Le pouls ralentit et Rieux se rend compte de son impuissance. Finalement, le garçon pousse un long et terrible cri et s'agrippe à ses couvertures. Son furieux hurlement à la mort est repris par les autres personnes présentes dans la pièce. Au moment où Rieux s'apprête à fuir parce qu'il n'en peut plus, le cri s'arrête. L'enfant est mort.

Rieux se déplace pour quitter la pièce et en passant devant Paneloux, qui lui tend la main, il fulmine, disant que l'enfant était innocent et que Paneloux le sait aussi bien que lui. Une fois dehors, il voudrait maudire le monde entier. Il s'assied avec lassitude sur le banc. Paneloux lui demande pourquoi il est en colère, car ce qui est arrivé à l'enfant lui est tout aussi insupportable. Rieux s'excuse. Il lui explique que sa lassitude est telle que le seul sentiment qu'il parvient à éprouver est la révolte. Paneloux lui dit qu'une telle chose dépasse l'entendement humain et qu'il doit aimer même ce qu'il ne peut pas comprendre. Rieux répond qu'il a une autre conception de l'amour et qu'il ne pourra jamais aimer un monde dans lequel des enfants sont torturés. Il ajoute cependant qu'il sait que Paneloux et lui partagent le même objectif. Ce dernier s'assied avec lui et convient qu'ils travaillent tous deux pour le salut de tous. Rieux sourit en disant qu'il travaille pour la santé. Paneloux hésite, puis se lève. Il lui dit au revoir. Rieux se lève aussi et s’excuse à nouveau. Paneloux regrette de ne pas l'avoir convaincu. Rieux lui répond que cela n'a pas d'importance et que rien ne peut les séparer maintenant.

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Paneloux prépare un second sermon et demande à Rieux de venir. Ce jour-là, il y a du vent et l'église est moins pleine que la première fois. Entre les deux sermons, les gens sont devenus moins religieux et plus superstitieux. Les prédictions des devins et les références à Nostradamus sont courantes ; elles semblent réconforter le peuple, surtout lorsqu'elles prédisent la fin de la peste. Paneloux parle sur un ton plus doux et dit “nous” au lieu de “vous” cette fois. Il explique que toutes ces épreuves concourent au bien du chrétien, que rien sur terre n'est plus horrible que la souffrance d'un enfant et qu’il est naturel de chercher à la comprendre et à la raisonner. Pour le chrétien, dit-il, le choix ultime est de tout croire ou de tout nier: c'est le tout ou le rien. Rieux se rend compte que ces mots semblent une hérésie pour une partie de l’assemblée. Paneloux choisit de tout croire pour ne pas tout nier. Si cela ressemble à du fatalisme, c'est pour lui un fatalisme “actif”. Il poursuit en évoquant l'histoire de quatre moines – sur les quatre-vingts que comptait un monastère – qui ont survécu à la peste noire, dont trois qui ont fui. Il pense que tous auraient dû rester. Ils ne doivent pas abandonner, mais trouver un moyen de surmonter cette épreuve en répandant autant de bien que possible. En fin de compte, ils doivent aimer Dieu ou le haïr, et qui choisirait de le haïr ? Lorsqu'il arrive à sa conclusion, Paneloux assure qu'il comprend que sa vision du monde exige un abandon total de soi, que c'est une leçon difficile, mais qu’“À cette image terrible il faut que nous nous égalions.” (p. 207). En partant, Rieux est d'avis que le sermon était plus inquiétant que puissant. Un jeune diacre lui dit que le père travaille sur un pamphlet encore plus radical – qu'il est illogique pour un prêtre d'appeler un médecin. Lorsque Rieux en parle plus tard à Tarrou, ce dernier trouve le raisonnement de Paneloux logique, car il s’accroche à sa foi jusqu’à la fin.

À ce moment, Paneloux doit quitter sa chambre et se faire héberger par une paroissienne. La vieille femme est honorée de sa présence mais finit par être agacée par la fatigue et la lassitude du père. Elle découvre un matin qu'il ne s'est pas levé et qu’il semble plus rouge et faible que jamais. Elle lui propose d'appeler un médecin mais il refuse. Elle se sent responsable de lui. Elle est frappée, racontera-t-elle plus tard, par sa nervosité. Il est toujours agité et regarde dans le vide entre deux crises. Son état continue à empirer mais il refuse de voir un médecin jusqu'à ce qu'il accepte finalement d’être emmené à l'hôpital, conformément au règlement. La femme affolée appelle Rieux, qui se dépêche de venir. Rieux l'examine. Paneloux ne présente aucun des symptômes spécifiques de la maladie, mais il ne peut en être entièrement sûr. Il doit donc être isolé. Rieux lui propose de rester avec lui. Paneloux le regarde avec un sourire triste. Il lui dit que les prêtres ne peuvent avoir d'amis car ils ont tout donné à Dieu.

À l'hôpital, Paneloux se soumet à l'observation mais ne semble toujours pas pouvoir être diagnostiqué. Il y reste pendant plusieurs semaines. À un moment donné, il crache un caillot de substance rouge, qu'il essayait d'évacuer depuis un certain temps. Il meurt peu de temps après, marqué comme “cas douteux”.

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Cette fête de la Toussaint est bien différente des précédentes. Personne ne se rend au cimetière. Les morts ne sont plus considérés comme des abandonnés qu'il faut visiter une fois par an mais plutôt comme des intrus. La courbe de l’épidémie semble s'être aplatie et le Docteur Richard assure que le pic est passé. Mais il est emporté par la peste, dont la version pneumonique se répand rapidement. Elle est plus contagieuse et plus mortelle. La nourriture se fait encore plus rare. Les pauvres commencent à en vouloir encore plus aux riches car la peste ne semble pas toucher tout le monde de la même manière.

Les journaux prônent l'optimisme à tout prix. On ne peut voir les vrais héros et la réalité de la peste qu'en se rendant dans les camps d'isolement. Tarrou fait le récit d'une visite qu'il effectue avec Rambert au camp situé dans le stade municipal, à la périphérie de la ville. Le stade est entouré de hauts murs et de sentinelles, ce qui donne l'impression que les gens sont cachés, exclus de force de la société. C'est un dimanche après-midi et Gonzalès, le joueur et fan de football, les accompagne. La plupart des gens sont assis sur les gradins tandis que d'autres marchent, atones. Tarrou demande à Rambert ce qu'ils font de la journée et Rambert répond qu'ils ne font rien. Au début, tout le monde bavardait. Maintenant, le silence règne. Tarrou remarque que tous ont le regard vide et semblent avoir oublié le sens de la vie.

Le directeur du camp arrive et dit à Tarrou et Rambert qu'Othon veut les voir. Il leur demande si son fils a souffert. Tarrou ment et dit que non. Les haut-parleurs annoncent que c'est l'heure du repas. Les détenus se dirigent vers leurs tentes. Alors que Tarrou et Rambert s'en vont, Tarrou se sent obligé d'aider Othon, mais que peut-on faire pour un juge ?

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Le narrateur sait qu’il y a d’autres camps, mais ne connaît rien de précis à leur sujet. Il suffit de dire qu'ils sont tous craints et méprisés. À la fin du mois de novembre, Tarrou se rend avec Rieux chez le vieux malade asthmatique. La vieille dame leur dit d'aller voir la terrasse sur le toit, d'où ils auront une belle vue et pourront respirer de l'air frais. Les hommes acceptent et montent. Il n'y a personne là-haut. Ils peuvent voir l'horizon et la mer qui se rejoignent dans un vague flou, les étoiles qui scintillent et les lumières du phare qui clignotent.

Les deux hommes s'assoient, reconnaissants qu’on leur ait fait découvrir cet agréable endroit. Tarrou demande à Rieux s'ils peuvent passer une heure ensemble, au nom de leur amitié. Rieux répond par l'affirmative en souriant. Tarrou commence son histoire en disant qu'il souffrait de la peste bien avant l’épidémie. Quand il était jeune, il vivait conscient de son innocence et de son caractère fortuit. Tout allait bien pour lui. Il avait une bonne relation avec son père, un procureur. Son père avait une particularité, “le grand indicateur Chaix était son livre de chevet.” (p. 223). Il connaissait toutes les distances ainsi que les heures d'arrivée et de départ entre les villes d'Europe. Tarrou adorait questionner son père et voir à quel point il était doué.

Un jour, le père de Tarrou l'a invité à l'entendre parler au tribunal. Tarrou suppose maintenant que son père voulait qu'il soit impressionné et qu'il devienne avocat. Cependant, la seule chose sur laquelle Tarrou pouvait se concentrer était le criminel, qui restait avant tout un être humain. Il est condamné à mort. Ce qui marqua le plus Tarrou est que son propre père avait plaidé pour une telle sentence. Il se sentait mal. Depuis ce jour, il ne regarda plus jamais l'annuaire des chemins de fer. Il s'intéressait “avec horreur à la justice, aux condamnations à mort, aux exécutions” (p. 225) et ne connaissait le rôle de son père dans ces choses – ces meurtres.

Tarrou ne quitta pas sa maison immédiatement, mais il finit par le faire. Lorsque son père lui envoya une lettre, Tarrou répondit sans détour qu'il se tuerait s'il était obligé de revenir. Son père le laissa faire. Tarrou rendait parfois visite à sa mère et voyait son père, mais ils n'étaient pas proches. Sa mère revint vivre avec lui après la mort de son père. Tarrou connut la pauvreté après avoir quitté son riche foyer. Il s'intéressait à la peine de mort et milita contre elle dans toute l'Europe. Il raconte à Rieux ce que sont réellement les pelotons d'exécution et les exactions que les hommes commettent contre d'autres hommes. Il est convaincu que sa croyance en certains principes a contribué à la mort de milliers de personnes, même indirectement. Il n'acceptera jamais aucun argument qui permette de justifier une exécution.

Tarrou conclut. Il dit que personne ne peut lever le petit doigt sans risquer d'apporter la mort à quelqu'un d'autre, et c'est pourquoi tout le monde a la peste. Il souhaite trouver la paix d'une manière ou d'une autre. Il pense que chacun doit faire attention à ne pas contaminer les autres et rester vigilant. Il y a des pestes et des victimes ; Tarrou pense que chacun doit en être conscient et agir en conséquence.

Lorsqu'il a fini de parler, le docteur demande si Tarrou a une idée du chemin à suivre pour obtenir la paix. Tarrou lui répond que c'est la sympathie. Tarrou essaie essentiellement d'être un saint sans croire en Dieu. Le docteur comprend, mais lui confie qu'il a toujours éprouvé plus de sympathie pour la fraternité que pour les saints. Tarrou suggère qu’ils fassent quelque chose au nom de l'amitié – se baigner dans la mer. Rieux accepte avec joie et tous deux descendent sur la plage. Ils se déshabillent et sautent dans l'eau. Ils flottent et dérivent, finalement en paix. Ils se sentent libérés de la ville et de la peste. Ils ont “le même cœur et le souvenir de cette nuit leur était doux.” (232).

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La peste ne faiblit pas pendant les périodes de froid et sa forme pneumonique se répand de plus en plus. Rieux rencontre Othon à sa sortie du camp d'isolement. Le magistrat le surprend lorsqu’il lui propose de revenir comme volontaire. Pour lui, c’est son seul moyen d'être près de son petit garçon.

Rambert parvient à envoyer des lettres à sa femme et en parle à Rieux, qui écrit laborieusement les siennes. Cottard est toujours prospère mais Grand ne va pas bien.

Ce Noël est triste pour la ville. Il n'y a pas de joie, pas de fête.

Pendant cette période, Grand ne se montre pas. Tarrou et Rieux partent à sa recherche. Ils l'aperçoivent devant la vitrine d'un magasin, le visage baigné de larmes. Il est clair que les pensées de Jeanne le dévorent. Lorsqu'il se retourne et voit Rieux, ce dernier est frappé par sa tristesse. Rieux suggère qu'ils rentrent chez eux mais Grand s'enfuit avant de tomber sur le sol, visiblement malade.

Tarrou et Rieux le ramènent chez lui. Comme il vit seul, ils décident de le laisser dans sa maison au lieu de l'évacuer. Grand est de plus en plus malade mais conserve des moments de lucidité. Il demande à Rieux de récupérer son manuscrit. Rieux voit la même phrase, toutes ses modifications et ses corrections. Grand lui demande de la lui lire puis de la détruire. Rieux hésite mais Grand répète sa requête sur un ton angoissé. Rieux s'exécute. Grand lui tourne le dos.

Toute la nuit, Rieux est tourmenté par la pensée de la mort imminente de Grand, mais le lendemain matin, son état s'est considérablement amélioré. À midi, il est toujours stable et à la tombée de la nuit, il est clair qu'il est hors de danger. Rieux est déconcerté.

Au même moment, le même schéma se répète chez une jeune fille à l'hôpital : elle présente tous les symptômes de la peste pneumonique et semble condamnée à mourir, mais elle se rétablit miraculeusement. Le vieux malade asthmatique lui annonce joyeusement que les rats sont de retour. Rieux vérifie les chiffres sur la mortalité de l’épidémie, publiés chaque lundi, et constate qu'ils ont diminué.

Analyse

Dans cette partie, presque tous les personnages traversent des crises psychologiques et/ou physiques. Grand attrape la peste et s'inquiète de la futilité de son manuscrit. Paneloux tombe malade après avoir accepté de se tourner entièrement vers Dieu. Rambert choisit de rester à Oran alors qu’il peut en sortir, réalisant qu'il doit choisir un amour pour la collectivité plutôt qu'un amour personnel. Enfin, Rieux s'interroge sur la nature de Dieu, de la souffrance et de l'amour.

Le point culminant du roman se produit lorsque Rieux, Tarrou et Paneloux assistent à la mort douloureuse et grotesque du fils d'Othon. Cet épisode convainc Rieux de l'absence de Dieu, car la mort de cet enfant innocent est impensable dans un monde où Dieu aime toutes ses créatures. Le critique Thomas Hanna souligne que Camus, athée notoire, a fait remarquer un jour que “dans son essence, le christianisme (et c'est là sa grandeur paradoxale) est une doctrine de l'injustice. Il est fondé sur le sacrifice de l'innocent et l'acceptation de ce sacrifice” (cité dans Hanna). Paneloux est confronté à une crise de foi, car, comme l'explique Hanna, “soit il maintient sa foi que Dieu est l'ultime force dirigeante de l'univers, faisant émerger le bien du mal qu'il se permet d'affliger à l'homme, soit il prend sa place avec le Docteur Rieux, Tarrou et tous les rebelles de la terre en soutenant que ce mal et cette mort sont insupportables et que, soit il n'y a pas de Dieu et les hommes doivent sans cesse lutter avec leurs seules forces contre le fléau de la vie, soit, s'il y a un Dieu, c'est un être meurtrier, injuste et incompréhensible, qui est l'ennemi suprême des hommes”.

Paneloux doit finalement choisir le tout au lieu du rien, tout croire au lieu de tout nier. Il ne croit plus que la peste est une punition pour les péchés du peuple. Elle reste mystérieuse, au-delà de la mesure de l'homme. Il a confiance en Dieu, quelle que soit l'impénétrabilité de son plan. La critique Andrea Lesic-Thomas interprète cette vision, écrivant que “Camus met Paneloux face au paradoxe logique de la souffrance infligée par un Dieu bon et juste, l'amenant à réaliser que la seule façon de continuer à être un chrétien croyant est de croire sans comprendre et sans juger”. Malheureusement, cela signifie aussi qu'il “s'abandonne entièrement à la volonté divine – et celle-ci le tue.”.

Dans cette partie, nous apprenons également à mieux connaître Tarrou, qui s'étend sur son histoire et ses motivations passées et présentes. Il raconte à Rieux comment il en est venu à considérer la peine de mort comme un mal fondamental et a passé de nombreuses années comme agitateur. Il est profondément opposé à toute souffrance, quelle qu'elle soit. Lesic-Thomas note : “Il se place toujours du côté de la victime et refuse de tuer, directement ou indirectement, en toutes circonstances.”. Pour Tarrou, la peste est bien plus qu’une maladie, c'est l'inhumanité de l'homme envers l'homme. Dans ses efforts pour agir selon cette conviction, il dit à Rieux qu'il aimerait être “un saint sans Dieu” (p. 230).

Bien que Tarrou soit loin d'être le monstre que Cottard est, il conserve en fin de compte une réponse abstraite à la peste. Eugene Hollahan rappelle aux lecteurs que la motivation de Tarrou pour combattre la peste est son propre code moral privé ; sa “position intellectuelle troublée contraste avec la simple déclaration du docteur selon laquelle sa propre motivation pour combattre la peste est l'indignation compatissante devant la souffrance humaine”. En s'identifiant au cracheur de chats et au compteur de poires, il “indique sa propre tendance profonde à l'abstraction et à la transcendance. Il ne peut aller jusqu'au bout du chemin de la sympathie et finira par mourir de la peste”.