La Place

La Place Résumé et Analyse

Ernaux décrit ici la consolidation de la distance qui s’était créée entre son père et elle au cours de son adolescence et de ses études. Cet éloignement se renforce notamment après son mariage, qui marque son entrée définitive dans le monde bourgeois. Ernaux prend une conscience accrue de la distance qui sépare leurs deux milieux lorsqu’elle retourne rendre visite à sa famille. Lors de ces voyages, son mari, ancien étudiant en sciences politiques qui occupe un poste dans la fonction publique territoriale à Annecy, ne l’accompagne jamais.

Ernaux raconte une de ses premières visites chez ses parents après son mariage. Elle redécouvre leur manière de parler et de se comporter, qui contraste fortement avec le milieu dans lequel elle vit à présent. Elle évoque le décalage qu’elle ressent entre elle et ses parents et son impression de séparation d’avec ses propres origines.

La narratrice s’attache ensuite à décrire la suite de la vie de son père à Y…, après son propre départ. Après l’apparition des premiers supermarchés, celui-ci pense vendre son fonds de commerce. Ernaux décrit un père heureux et bon vivant.

Avant de terminer son livre, l’autrice revient brièvement sur le contexte de sa démarche d’écriture. Elle raconte son ressenti en écrivant sur son père et la difficulté de garder un ton uniquement factuel, de “ramener au jour des faits oubliés [plutôt] que d’inventer.”.

Ernaux décrit ensuite sa dernière visite chez ses parents, avec son jeune fils, lors de laquelle son père va décéder. Elle raconte avec détails l’agonie de son père, d’abord prise pour une maladie, un avertissement “pour avoir voulu désobéir à la nature et faire le jeune homme”, puis sa mort, rejouant la scène du début du livre. Elle ajoute toutefois qu'après le décès, sa mère a quitté la maison et que le fonds de commerce a disparu.

La Place se termine par une série d’anecdotes, de moments de vie précis. La première décrit l’embarras de la jeune Ernaux et de son père à la bibliothèque municipale, lorsque tous deux ne savaient pas quels livres emprunter. La seconde raconte les moments de complicité entre la fille et le père, lorsque celui-ci l’emmenait à l’école à vélo. La dernière, enfin, évoque la rencontre entre Ernaux et une de ses anciennes élèves, devenue caissière.

Analyse

La fin de La Place permet d’identifier d’autres attributs qui creusent les différences entre le milieu bourgeois du mari d’Annie Ernaux et celui de la famille de l’autrice. Elle explique ainsi le décalage des préoccupations et des intérêts qu’elle remarque lorsqu’elle rend visite à la famille de son mari, puis à ses propres parents. Deux anecdotes reflètent ce décalage : les parents de son mari qui citent un prix Nobel de littérature si un verre se casse dans leur maison ; l’incompréhension de son père lorsqu’elle lui offre un flacon de parfum. Écartelée entre ces deux mondes, Ernaux écrit: “Je me sentais séparée de moi-même.”.

Cette partie souligne enfin le décalage entre la volonté du père d’Ernaux que sa fille “appartienne au monde qui l’avait dédaigné”, et la distance irrémédiable qui apparaît entre eux lorsque son souhait se réalise. Ernaux raconte, dans les dernières pages, que c’est son père qui l’emmenait à l’école, qui lui permettait d’aller dans cette institution qui deviendrait l’une des causes majeures de leur éloignement. De la distance qui s’est créée entre l’autrice et son père, entre son milieu d’origine et son milieu actuel, naît une sensation de déracinement. Ce sentiment ne surgit pas uniquement lorsqu’elle rend visite à sa famille, mais aussi lorsqu’elle évolue dans le monde bourgeois. Ernaux clôture La Place sur cette sensation d’absurdité qu’elle ressent parfois lorsqu’elle exerce son métier: “Tout le temps que j’ai écrit, je corrigeais aussi des devoirs, je fournissais des modèles de dissertation, parce que je suis payée pour cela. Ce jeu des idées me causait la même impression que le luxe, sentiment d’irréalité, envie de pleurer”.