Thérèse Raquin

Thérèse Raquin Le monde de Zola

Le coin de Paris que Thérèse et ses connaissances habitent est défini par son obscurité, sa crasse et son ennui. Et à ce titre, le passage du Pont-Neuf et ses environs contrastent fortement avec les attractions publiques et l’architecture Haussmannienne qui, pour majoritairement, ont caractérisé Paris au milieu du XIXe siècle. Dans deux de ses grands romans qui suivent Thérèse Raquin] – La Curée (1872) et Son Excellence Eugène Rougon (1876) - Zola étudie les mutations importantes qui se produisent dans l’infrastructure parisienne entre 1853 et 1870. Ces modifications ont été réalisées par le baron Georges Eugène Haussmann, ingénieur civil chargé de moderniser la ville pour le compte de Napoléon III.

L’« haussmannisation », comme on l’appelle depuis lors, reposait sur quelques grands principes, à savoir l’élargissement des rues pour permettre la lumière et prévenir les encombrements de circulation, la création de longs boulevards droits qui facilitaient la navigation en ville. et l’installation des lampadaires et des jardins publics pour créer une atmosphère plus agréable et exaltante. Le processus a pris des années, et a abouti à l’édification de nombreux monuments dont les visiteurs contemporains de Paris peuvent encore profiter, y compris une version agrandie et rénovée du Musée du Louvre. Même la morgue de Paris, fréquentée par Laurent, fut construite dans le cadre des rénovations de 1863.

Dans ce contexte, l’appartement de Mme Raquin peut sembler être un vestige d’une autre époque. Et en un sens, il l’est ; situé sur la rive de la Seine, le véritable passage du Pont-Neuf n’a subi aucune rénovation majeure jusqu’en 1912. En 1868, le critique Charles Augustin Sainte-Beuve décrivait cette rue « plate, banale, laide ». La rue renvoie ainsi à un Paris fait d’architecture ancienne et d’ombres profondes et troublantes : le Paris que Charles Baudelaire décrivait dans ses poèmes morbides en prose, le spleen de Paris, et que Charles Marville capturait dans ses photographies de rues tortueuses, et pavées sans fin, et des ruisseaux d’eau sale.

Mais même dans ces conditions peu idéales, Paris avait ses explorateurs dédiés les « flâneurs » pour prendre le nom français de ces marcheurs invétérés. Zola - qui a écrit une fois à Cézanne qu’il marchait "environ huit ou dix kilomètres" de Paris - est facilement tombé dans cette catégorie. Il est tentant de classer aussi Laurent et Thérèse comme des flâneurs, mais ce serait inexact ; ils suivent peut-être les mêmes chemins que les vrais flâneurs, mais ils sont motivés par le désespoir, et non par le plaisir.

Pour une illustration photographique de cette période, le site internet Second Empire, réalisé par Mount Holyoke, fournit de nombreuses images utiles.