Sido

Sido Summary and Analysis of partie 1 : Sido

L’autrice, alors jeune femme, rapporte les paroles de sa mère sur Paris, les Parisiens et Parisiennes, distinguant les vrais et les faux Parisiens. Alors qu’une voisine passe sous leur fenêtre en compagnie de sa cousine, Sido reconnait dans cette dernière toutes les caractéristiques des « femme-tronc » représentatives, selon elle, de beaucoup de Parisiennes. L’autrice se souvient alors qu’elle a toujours entendu sa mère tenir en estime la province par rapport à Paris et s’interroge sur l’origine de ce don d’observation qu’avait sa mère alors qu’elle ne quittait que rarement sa province. L’autrice décrit Sido comme une profonde provinciale néanmoins ravie de goûter, de temps en temps, à la culture et aux richesses de la capitale dont elle revenait les bras chargés de cadeaux. Elle se souvient enfant, alors qu’elle rentrait de l’école, d’une anecdote que Sido avait rapportée après avoir rendu visite à un jeune couple avant de reprocher à Colette de vouloir porter des chaussettes comme une Parisienne qu’elle n’était pas. L’autrice dresse le portrait d’une mère toujours en mouvement, occupée à tout faire sans être pour autant une ménagère maniaque, préférant à toute autre occupation, celle du jardin. Colette constate que le jardin agissait sur Sido comme un remède à sa morosité.

Colette raconte que dans son quartier, en dehors d’une poignée de maisons privées de jardin, les habitations bénéficiaient au moins d’une cour et que les façades cachaient des « jardins-de-derrière » dans lequel chacun s’affairait ou profitait au gré des saisons. Colette évoque les sons, les bruits et les vues perçus depuis le jardin familial. Les rapports entre les voisins de jardins étaient polis et courtois à l’image du calme qui régnait dans celui de la famille Colette, sans disputes ni chamailleries. Colette évoque les tempêtes de neige que sa mère savait prédire, comme avertie par ses antennes, aux bourrasques de l’ouest.

Ce sont les fleurs rouges et roses que Sido aimait plus que tout. L’été, parfois, elle réveillait Colette dans la nuit et, alors que tout le monde dormait encore, la laissait partir vers les terres maraîchères, un panier vide à chaque bras. L’autrice décrit ces moments-là comme un état de grâce et de connivence avec la nature. Elle revenait à l’aube après avoir bu l’eau de deux sources dont elle aimerait pouvoir emporter une gorgée imaginaire au seuil de sa mort.

Enfant, Colette percevait Sido et son jardin comme le point central du voisinage. Lorsqu’elle rentrait chez elle, après avoir passé du temps hors les murs du jardin, elle assistait aux échanges fantomatiques de sa mère avec les voisins, leur demandant s’ils avaient vu la chatte, s’ils pouvaient lui rendre du matériel ou si l’un d’eux voulait un bouquet de fleurs. Les objets et bouquets volaient par-dessus les murs mitoyens.

Sido accordait une importance, mystérieuse aux yeux de Colette, aux points cardinaux (en bien comme en mal) et aux bruits des vents grâce auxquels elle pouvait prédire la pluie qui allait s’abattre sur la maison et le jardin. L’autrice se souvient des grains d’avoine que sa mère utilisait comme baromètre. Elle prédisait un grand hiver dans les pelures d’oignon et la fin de l’hiver aux postures de la chatte. Sido s’interrogeait parfois sur la nature des plants qu’elle avait mis en terre, interdisant à Colette de les déterrer pour obtenir une réponse à ses questionnements. Colette, huit ans, ne résistait pas à la curiosité et bravait l’interdit. Sido préférait sacrifier une jolie fleur en la livrant aux mains curieuses d’un très jeune enfant plutôt que la laisser orner le cercueil d’un voisin ou accompagner les fastes catholiques. L’autrice raconte qu’elle avait obtenu de sa mère, pourtant éloignée de la religion, l’autorisation de suivre le catéchisme. Colette évoque le souvenir de sa mère, sous le cerisier comme hypnotisée par le merle qui dévorait les fruits de l’arbre en dépit de l’épouvantail qu’elle avait installé quelques jours plus tôt pour éloigner l’oiseau, en vain. Happée par l’habileté de l’oiseau, elle en oubliait ainsi sa vie ordinaire.

Sido savait transmettre à sa fille ses talents d’observatrice de la nature. L’autrice apprenait en imitant et en écoutant. Sido lui raconte qu’un jour, alors qu’elle était enceinte de son frère, elle se promenait en voiture à cheval par un été très chaud lorsqu’un orage éclata soudainement. Elle explique que, malgré le tonnerre et les trombes d’eau qui s’abattaient, elle avait réussi, par son calme et sa voix, à rassurer la jument pour que celle-ci ne panique pas. Une fois l’orage passé, elle avait découvert une multitude de grenouilles déposées dans la calèche par la tornade de vent et de pluie. Colette écoutait attentivement et n’avait aucune peine à « vivre » l’instant raconté par sa mère. Sido critiquait sa fille qui, perdue dans ses pensées, montrait alors un visage hébété avant de finalement lui dire qu’elle est bien « sa petite fille incomparable ».

Parfois, Sido envoyait sa fille apporter des fleurs et présents à une voisine et amie, Adrienne Saint-Aubin que Colette décrit comme une femme singulière, aux allures de Bohémienne, à la personnalité vive et au lyrisme champêtre. Sa maison, sombre et désordonnée, poussait son jardin luxuriant à chercher la lumière à tout prix. Colette était intimidée et blessée par cette femme qui la négligeait et semblait indifférente à sa présence alors même qu’elle l’avait allaitée quand elle était bébé. Sido s’était montrée jalouse du rapprochement entre sa fille et son amie jusqu’à ce que, sans dispute ni explication, l’amitié entre les deux femmes disparaisse. L’enfance heureuse de l’autrice associée à l’image de sa mère s’achève à ses douze ans.

Analyse

Cette première partie, dont l’incipit dynamique plonge le lecteur immédiatement au cœur du récit, est consacrée au personnage de Sido, mère de l’autrice. Sans aucune mise en contexte, l’autrice commence cette partie sur une conversation dont les lecteurs ne possèdent pas encore les clefs, mais qui éclaire immédiatement sur le fait que Sido sera l’épicentre de l’histoire. D’ailleurs, pour la nommer, Colette utilise le surnom donné à sa mère par son mari et le place entre guillemets. Cela lui permet de prendre de la distance et ériger ainsi sa mère en un véritable personnage, presque mythique. À travers ses souvenirs d’enfance, Colette dépeint Sido comme une femme à la personnalité marquante, dotée d’une imagination fertile, et une mère aimante compréhensive et protectrice. Le récit de ces moments de complicité partagés avec sa mère permet au lecteur d’entrer dans l’intimité de l’autrice avec émotion. Cette femme, à la fois ancrée dans son milieu provincial et curieuse des fastes parisiens — Paris est à la fois captivant et agaçant — est, aux yeux de sa fille, fascinante, inspirante parfois mystérieuse.

Vive d’esprit, Sido est décrite comme profondément connectée avec la nature qui l’entoure, comme s’il s’agissait d’une partie d’elle-même, et dans laquelle elle puisait son énergie vitale. Colette associe l’image de sa mère à celle de son jardin qu’elle entretient comme un véritable trésor, le rendant presque sacré aux yeux de l’autrice à l’image d’un havre de paix. Colette décrit avec soin et détails la nature, ses bruits, ses couleurs, ses odeurs. Grâce à ces éléments précis, le lecteur ressent aisément toute la douceur et la tendresse qui ont façonné l’enfance heureuse de l’autrice. Bien qu’en prose, le texte utilise de nombreux procédés littéraires typiques de l’écriture poétique. Colette berce ainsi le lecteur au gré de ses souvenirs, qu’elle ne raconte pas de façon chronologique et linéaire, l’amenant ainsi à vivre le bonheur et l’authenticité de la vie rurale. L’autrice raconte le don mystérieux de sa mère pour comprendre les saisons et pour lire la météo dans le comportement des animaux qui l’entourent. Ainsi, chaque animal, chaque plante trouve sa place dans le récit et devient un sujet d’émerveillement et de contemplation. À travers le souvenir de sa mère dont les actes sont empreints de poésie — elle admire le visage des roses, fait des offrandes aux voisins et s’émerveille du merle du cerisier — Colette raconte cette campagne qui l’a vue grandir et dans laquelle elle se reconnait. À la fois teintée d’admiration et de petites jalousies, la relation entre Sido et sa fille semble unique et particulière : bien que très attentionnée et aimante, Sido sait aussi se montrer ferme envers sa fille, lorsque celle-ci manifeste des attirances pour le mode de vie citadin, ou jalouse lorsque Colette développe une attirance envers son amie Adrienne. Aux yeux de l’autrice, Sido reste avant tout une figure maternelle qu’elle admire et une femme libre d’esprit qui rejette les conventions. Elle lui rend hommage et lui reconnait même une sorte d’influence sur sa propre personnalité et sur sa carrière d’écrivaine.