Une Vie

Une Vie Résumé et Analyse

Après la mort de Julien, le deuil passé, la famille continue à vivre sa vie centrée autour du petit Paul. Jeanne, son père et tante Lison vivent tous ensemble. Le petit garçon grandit, a un nouveau compagnon, son chien Menace. Cependant, de son côté, l’abbé Tolbiac continue à prêcher de manière vindicative, notamment contre la maison familiale et est même parfois pris pour un sorcier. Malgré son manque d’instruction religieuse qui fait parler le reste du village, Paul grandit et à quinze ans se voit envoyer au collège par son grand-père. Le séjour au collège, marqué par les visites incessantes de Jeanne, voit Paul grandir. À ses 20ans, le garçon visite de moins en moins sa mère jusqu’à finir par s’enfuir en Angleterre avec une prétendante. Il demande à sa mère de l’argent. Par la suite, les mauvais choix de Paul finissent par ruiner la famille. Le temps passant, le baron et tante Lison finissent par mourir et Jeanne se retrouve seule désespérée, mais Rosalie revient lui donner son aide.

Jeanne étant ruinée, Rosalie se charge de remettre à niveau la fortune familiale. Cependant, cela engage la vente des Peuples ainsi que d’arrêter d’envoyer de l’argent à Paul ce qui rend Jeanne malade. Pourtant, tout s’enchaîne et Jeanne prépare son déménagement. Elle choisit les affaires à prendre puis s’attarde sur les vieilleries dans le grenier qui lui font rappeler des souvenirs. Une fois le déménagement commencé sous le commandement de Rosalie, Jeanne quitte les Peuples pour s’installer dans sa nouvelle maison.

Jeanne, Rosalie et les meubles arrivent à la nouvelle résidence de Batteville. Les deux femmes s’installent et Rosalie empêche Jeanne d’envoyer à nouveau de l’argent à son fils. Le temps passant, Jeanne cherche encore à revoir son fils, elle lui écrit alors et apprend qu’il souhaite se marier. En colère, elle décide d’aller le trouver par elle-même. Elle prend alors conseil sur la vie parisienne. À son arrivée à la capitale, elle part chercher Paul à son adresse mais il est parti peu de temps après avoir reçu sa lettre. Elle se met alors à le chercher partout sans succès. Plusieurs personnes à qui Paul devait de l’argent se sont présentées à sa mère et elle les rembourse. Elle rentra à Batteville peu de temps après.

Jeanne rentrée à Batteville sombre peu à peu dans la tristesse. Elle peine à se lever de son lit. Par la suite, elle commence à réfléchir sur les évènements de sa vie, elle cherche à se souvenir ce qui lui est arrivé tout au long de sa vie. Au fur et à mesure de ses recherches, Jeanne oscille au gré des saisons et des promenades entre joie et malheur. Cependant, Rosalie emmène Jeanne aux Peuples car elle doit y faire affaire. Une promenade dans son ancienne maison a alors lieu, puis elles rentrèrent à Batteville pour tomber sur une lettre de Paul : il vient d’avoir une fille et sa mère se meurt, elle doit s’occuper de l’enfant. Rosalie se chargea donc d’aller récupérer l’enfant et c’est sur sa découverte que s’achève l’histoire de Jeanne.

Analyse

On voit en ce chapitre XXI le retour des questionnements religieux. On se demande quoi faire pour Paul concernant la religion, coincé entre un lettré des lumières, le baron et une fervente croyante. De la même manière, l’auteur introduit des questions plus personnelles sur les problématiques de l’éducation et de l’amour maternel, l’amour castrateur de Jeanne envers son fils, rappelant le vécu de l’auteur, se voit vaincu. Pourtant, l’image du départ de cet enfant et de la manière dont sa mère s’accroche à lui représente tout autant, dans un but naturaliste, la manière dont une femme s’accroche à son rôle de mère car il lui garantit une place dans la société. Au XIXe siècle, une femme est considérée comme ayant une place sociale à travers sa position de femme et de mère. Une fois qu’elle n’est plus ni l’un ni l’autre, elle devient une vieille femme sans importance. Ainsi, Jeanne s’accroche à son fils de la même manière qu’elle s’accroche à sa vie rêvée passée. La volonté de son fils devient une quête obsessionnelle pour Jeanne qui, comme par le passé avec son mari, fait naïvement l’impasse sur toutes les mauvaises actions de son fils, lui envoie de l’argent. Tout se déroule comme si le passé de Jeanne et ses déceptions face à son mariage se répétaient pour toucher sa relation avec son fils. Cependant, le retour de Rosalie marque à la fois la fin de la solitude pour Jeanne qui retrouve un visage familier, mais aussi une forme de retour à ce passé qu’elle fantasme.

Dans le chapitre suivant, le lien entre Jeanne et sa mère est fait de manière récurrente, comme si de façon tragique elle était destinée à finir comme elle. L’auteur utilise d’ailleurs le registre pathétique pour initier une forme de tragique. Mais à Batteville, tout se passe comme si les rôles s’inversaient entre la maîtresse de maison et la bonne. Cette dernière prend les décisions importantes pour faire vivre la fortune familiale alors même que Jeanne n’est pas capable. On voit dans cette situation un paradoxe, d’un côté on peut associer l’incapacité de Jeanne avec sa position dans la société ; une femme reste toujours un enfant aux yeux de la loi, mais de l’autre côté, le personnage de Rosalie représente l’idée de la femme indépendante qui prend les choses en main, comme pour montrer la différence entre une paysanne et une aristocrate. On note une importance donnée aux reliques, bibelots, qui à la fois sont un témoignage du passé, le passé qui hante Jeanne mais aussi témoignage de la destruction des biens familiaux et donc de ce même passé. Cette symbolique des reliques est mise en avant par l’utilisation de l’imparfait, temps utilisé pour conter des histoires, comme si cette scène du déménagement était irréelle, le tout placé du point de vue de Jeanne. Le déménagement se déroule dans des envolées lyriques très pathétiques de la part de Jeanne qui en font un personnage presque ironique. En effet, son comportement apparaît, notamment pour Rosalie, comme irresponsable et c’est pour ça qu’elle prend les choses en main.

La description de la nouvelle demeure de Jeanne dans le chapitre suivant reprend le vocabulaire de l’enfermement avec « haie vive très élevée », la distance d’un kilomètre avec les autres habitations qui compare le lieu avec une prison, comme si c’était le lieu où Jeanne va se retrouver isolée. À nouveau, le rapport de force entre la maîtresse de maison et Rosalie semble s’inverser, Rosalie guide les décisions de Jeanne et l’empêche de se ruiner. Cette dernière continue à écrire à son fils et le type d’expression utilisé relève d’un langage amoureux qui pourtant semble inapproprié pour parler à son fils. Tout se passe comme si elle cherchait à ce qu’il ressente un amour inconditionnel pour elle, comme il pourrait aimer une femme, de la même manière qu’elle aime son fils. Cependant, une énième désillusion apparaît dans la vie de Jeanne lorsqu’il lui apprend son envie de se marier. Au contraire des autres déceptions, celle-ci suscite en Jeanne une forme de colère qui la pousse à agir. Cet évènement place le personnage à nouveau dans l’actif et non plus dans le passif. La description du départ de Jeanne est très naturaliste et témoigne d’une révolution de l’époque de l’auteur : le train à vapeur. Développé au XIXe siècle, ce mode de transport fascine la population et surtout les peintres impressionnistes, proches de Maupassant, qui en font un sujet de prédilection. La description de Jeanne au milieu de la foule parisienne perpétue ce naturalisme. En effet, cette description peut faire penser à la question de la différence entre Parisiens et provinciaux, question qui fait encore débat aujourd’hui. Jeanne est moquée ou ignorée par les locaux alors même qu’elle avait préparé des tenues dans le but d’être à la mode.

Le début de ce dernier chapitre n’est composé que de phrases à l’imparfait pour décrire les souvenirs de Jeanne, temps utilisé pour décrire une action qui peut se dérouler toujours. Cet emploi permet de comprendre que Jeanne revit les souvenirs comme s’ils existaient encore dans une profonde nostalgie qui rappelle le comportement de sa mère. Les dialogues entre Jeanne et Rosalie, eux, témoignent d’une fracture sociale entre la douleur que ressent Jeanne à propos de sa vie et la réalité qu’a connu Rosalie qui semble pouvoir créer beaucoup plus de douleur. Ces dialogues au discours direct permettent au lecteur de questionner la crédibilité de l’attitude et des sentiments de Jeanne qui semblent être remis en question par l’auteur. La descente aux enfers mentale de Jeanne est parfaitement décrite, de la fatigue à l’envie de ne plus rien faire jusqu’au développement d’une forme d’obsession, celle de retrouver jour par jour ce qu’elle a fait dans sa vie. La nostalgie devient à ce moment une forme de maladie mentale. Le décryptage de l’état mental du personnage renvoie à la propre vie de l’auteur qui a souffert de la syphilis, maladie dégradant la psyché de celui qui en souffre et qu’il décrit d’ailleurs dans de nombreuses autres œuvres. L’humeur et l’attitude de Jeanne semble varier au gré des saisons et la joie passe du malheur en un clin d’œil. En ce sens, Jeanne apparaît comme un écrivain romantique qui se questionne sur l’avenir du monde. Cette idée se confirme lorsqu’elle retourne aux Peuples. En effet, son bonheur semble revenir lorsqu’elle se retrouve face aux magnifiques paysages, tels des tableaux, de son enfance, comme si elle son bonheur se trouvait à la fois que dans les souvenirs et face aux belles choses. Son périple aux Peuples et l’ordre dans lequel elle retrouve les choses semblent retracer sa vie. D’abord son retour de Rouen, puis l’arrivée de Julien, la naissance de son fils. Tout ce passé n’apparaît comme plus grand-chose à l’annonce de Paul, sa fille est née et la mère de l’enfant se meurt, elle doit s’occuper du bébé. La phrase de fin du roman d’ailleurs, sonne comme une ironie. Jeanne semble elle-même admettre que tous ses sentiments n’étaient que le fruit d’une exagération et d’un tragique qui n’est en fait que la réalité qu’elle semble avoir eu du mal à supporter.