Une Tempête

Une Tempête Résumé et Analyse

La pièce rassemble les mêmes personnages qu’Une Tempête de Shakespeare mais apporte précise certains rôles. Césaire écrit qu'Ariel est un esclave “ mulâtre ” et que Caliban est un esclave noir. En outre, il y a un nouveau personnage, Eshu, qui est un “ dieu-diable ” noir.

La pièce s'ouvre sur l’évocation d’un “ psychodrame ”. Un maître de cérémonie – le meneur de jeu – entre en scène. Il choisit un masque et demande aux personnages d’en faire de même.

Scène 1

La première scène commence par une violente tempête. Alonso – le roi de Naples –, son frère Sébastien, son conseiller Gonzalo ainsi qu’Antonio – duc de Milan – se trouvent sur un bateau. Gonzalo suggère d’essayer d’atteindre l'œil du cyclone pour être à l’abri du vent. Le capitaine craint que le bateau ne s'échoue et demande au maître d'équipage de redresser la barre. Gonzalo et Antonio se demandent ce qui se passe, mais le maître d’équipage leur conseille de retourner sous le pont. Gonzalo lui dit qu'il est le conseiller du roi et que Sébastien en est le frère, ce qui importe peu au maître d'équipage. Inquiets, les passagers se mettent à chanter “ Plus près de toi, mon Dieu, plus près de toi. ”.

Scène 2

Miranda et son père Prospero sont sur le rivage. Miranda demande à son père d'aider les passagers du bateau qui coule. Il lui répond : “ Allons, petite fille ! Du calme ! (...) Spectacle ! Du spectacle ! Rien de bien méchant dans tout cela. ”. Prospero lui raconte qu'elle est née à Milan, ville dont il était le duc. Miranda veut savoir pourquoi son père s’est exilé. Il lui explique qu'il était en désaccord avec son frère, Antonio, et Alonso, “ le convoiteux roi de Naples ”. Antonio s’est allié avec Alonso, qui lui a offert le trône de Prospero. Celui-ci a été arrêté par l’Inquisition pour “ hérésie ”.

Prospero explique à Miranda qu'au lieu de le juger, les autorités l'ont envoyé sur l'île où ils vivent actuellement. Il lui raconte que seul Gonzalo, le conseiller du roi, s'est montré bienveillant à son égard, lui fournissant des livres et des instruments. Mais les ennemis de Prospero sont maintenant proches de l’île : “ la Fortune vient d’amener sur ces rivages les hommes du complot. D’ailleurs, ma science prophétique me l’avait depuis longtemps prédit, qu’après s’être emparé en Europe de mes biens, ils ne s’arrêteraient pas en si bel appétit, et que, leur avidité prenant le pas sur leur couardise, ils affronteraient l’océan et cingleraient pour leur compte vers les terres pressenties par mon génie. ”, remarque Prospero en apercevant le bateau.

Ariel entre et dit à Prospero qu'il a réussi à couler le navire, bien que ce soit une “ pitié de voir sombrer ce grand vaisseau plein de vie. ”. Prospero répond que seuls les actes d’Ariel l’intéressent, et non pas ses états d’âme. Ariel lui demande de ne plus lui confier de telles missions à l’avenir. Prospero insiste, lui rappelant qu’il l'a libéré d'un pin qui le retenait en otage. Ariel répond : “ Parfois, je me prends à le regretter... Après tout, j'aurais peut-être fini par devenir arbre… ”.

Prospero s’adresse à Caliban, qu'il trouve impoli. Lorsque Caliban dit “ Uhuru ”, Prospero le réprimande pour avoir utilisé sa langue maternelle et le traite de “ vilain singe ”. Il pense que Caliban devrait être reconnaissant de lui avoir appris à parler sa langue et lui demande ce qu’il serait devenu sans lui. Caliban répond qu'il serait le roi de l'île.

Prospero parle de la mère de Caliban, Sycorax, une sorcière qu'il croit morte. Caliban rétorque : “ tu ne la crois morte que parce que tu crois que la terre est chose morte… C’est tellement plus commode ! Morte ; alors on la piétine, on la souille, on la foule d’un pied vainqueur ! Moi, je la respecte, car je sais qu’elle vit, et que vit Sycorax. ”. Caliban explique que Sycorax, sa mère, l'avertit souvent du danger. Il parle également du fait qu'il a tout appris à Prospero sur l'île et sa nature, mais que Prospero l'a transformé en esclave.

Prospero accuse Caliban d'avoir violé Miranda, mais Caliban insiste sur le fait qu’il n’a jamais commis un tel crime.

Prospero insiste pour que Caliban se mette au travail sous peine d'être battu : “ La trique, c’est le seul langage que tu comprennes ”. Avant que Prospero ne parte, Caliban lui dit qu'il ne répondra plus à ce nom, puisque c'est celui que Prospero lui a donné. Il veut être appelé “ X ” pour refléter le fait que sa vie et son identité lui ont été volées.

Après le départ de Caliban, Ariel entre sous la forme d'une nymphe marine. Prospero lui ordonne d'effrayer les passagers du bateau, mais d'épargner leurs vies. Prospero lui confie qu'il souhaite dépasser les conflits du passé et faire la paix en utilisant sa fille : “ J'ai une fille. Alonso a un fils. Qu’ils s’aiment, j’y consens. Que Ferdinand épouse Miranda, et que ce mariage ramène parmi nous la concorde et la paix. ”.

Ariel chante une chanson que Ferdinand entend. Lorsque Ferdinand voit Miranda, il est immédiatement enchanté. Il lui dit qu'il est un prince, avant de réaliser qu'il est maintenant roi puisque son père est mort dans le naufrage. Miranda le réconforte et lui propose de visiter l'île. Ils sont interrompus par Prospero, qui traite Ferdinand de “ traître, un espion, un coureur de jupons, en plus ! ”. Il fait immédiatement de Ferdinand son domestique. Ferdinand accepte, réalisant qu'en étant le serviteur de Prospero, il restera proche de Miranda.

Analyse

La pièce s’inspire d’Une Tempête de Shakespeare mais centre l’intrigue sur les thèmes de l’asservissement et de la colonisation, au travers de la modification de la symbolique et du rôle de certains personnages.

Le cadre de la pièce est didactique. Un meneur de jeu entre en scène et revêt un masque, avant d'inviter les autres acteurs à faire de même. Les masques font référence au théâtre traditionnel africain et contrastent avec les attributs du théâtre occidental que l'on pourrait voir dans une production shakespearienne. Cela fait partie de la démarche de Césaire de faire explicitement de la pièce une réflexion sur le colonialisme et le racisme.

La théâtralité de la pièce devient méta-théâtrale à certains moments, les acteurs étant pleinement conscients de l'artificialité des scènes qu'ils jouent. Lorsque Miranda supplie son père de sauver le navire qu'ils aperçoivent à proximité, il répond que le naufrage n’est qu’un “ spectacle ”. Prospero fait ici directement référence au fait que l'action de la pièce est inventée. Même si des événements fantastiques se déroulent, les acteurs et le public (ou les lecteurs) sont invités à se rappeler qu'il s'agit d'une représentation. Cette méta-théâtralité rend les événements plus complexes : le public et les lecteurs sont censés vivre l'intrigue mais également réfléchir concomitamment à sa représentation.

Le premier acte présente les principaux éléments de l’intrigue : Prospero était autrefois duc de Milan, mais il a été exilé sur une île par son frère et le roi de Naples, qui se méfiaient de ses pouvoirs magiques. Prospero a la capacité de voir l'avenir, ce qui le rend menaçant pour la cour. Ce conflit précède l'action de la pièce, qui s’ouvre sur les ennemis de Prospero arrivant sur l'île où il est exilé.

L'asservissement d'Ariel et de Caliban fait partie de la pièce initiale, mais dans Une Tempête de Césaire, leur racialisation est mise en avant. Ariel est un esclave “ mulâtre ” qui demande en vain sa liberté à Prospero. Il supplie Prospero de ne pas lui ordonner d’utiliser ses pouvoirs magiques pour faire le mal, mais celui-ci refuse. La servitude n'est pas simplement de nature fantastique – contrairement à l'œuvre de Shakespeare – mais aussi politique : un envahisseur colonial blanc prend le contrôle de la vie d'un être magique non-blanc. Cela transforme le protagoniste de la pièce de Shakespeare en antagoniste.

Les remarques de Caliban à l'égard de Prospero éclairent les rapports entre les colons et les populations des territoires colonisés. Caliban dénonce le sentiment de supériorité injustifié de Prospero et sa volonté de domination du monde naturel. Il rappelle que Prospero utilise l’expertise de Caliban pour exploiter les ressources de l’île. Il réfute l’affirmation de Prospero selon laquelle il a essayé de violer Miranda. Ces éléments soulignent les activités et les présupposés racistes qui caractérisent les relations coloniales, notamment la soi-disant supériorité du colonisateur blanc par rapport à la soi-disant sauvagerie de l'esclave non-blanc, l'exploitation sans limite des terres colonisées et la peur des femmes blanches face à la sexualité des hommes racisés.

La violence et le racisme des propos de Prospero envers Caliban renforcent la critique que fait Césaire du colonialisme. Lorsque Prospero insiste sur le fait que Caliban ne saurait même pas parler sans lui, Caliban rétorque que Prospero lui a seulement appris sa langue de colonisateur afin de pouvoir lui donner des ordres. Lorsque Prospero suggère que la mère de Caliban, Sycorax, un dieu-arbre, est morte, Caliban se livre à une critique acerbe des privilèges coloniaux. Césaire critique ainsi non seulement l’asservissement des populations des territoires colonisés mais aussi l’exploitation de ces territoires par des colons qui en ignorent les caractéristiques.

Enfin, l’intrigue amoureuse, centrale dans la pièce de Shakespeare, apparaît de façon édulcorée. Ferdinand est immédiatement séduit par Miranda. Les enjeux de cette romance sont encore plus importants lorsque Prospero fait de Ferdinand son serviteur, ce qui rapproche Ferdinand et Miranda, mais empêche aussi toute consommation de cette romance.