Le Prince

Le Prince Résumé et Analyse

Machiavel introduit Le Prince par une lettre adressée à Lorenzo de Médicis, petit-fils d’un autre Lorenzo de Médicis surnommé Laurent le Magnifique. Dans ses propos préliminaires, Machiavel admet qu'il cherche à gagner la faveur d’un “ prince ” à qui il offre son livre en cadeau, comme manuel de gouvernance politique.

Dans le premier chapitre – " Combien il y a de sortes de principautés, et par quels moyens on peut les acquérir ” – , Machiavel entreprend de classifier les différents types États. Il établit une première distinction entre principautés et républiques. Les principautés sont soit héréditaires, soit nouvelles. Les nouvelles principautés peuvent être créées ou être fraîchement rattachés à une principauté héréditaire existante. Les territoires conquis peuvent avoir une tradition de gouvernement différente de l’État auquel ils sont rattachés.

Le deuxième chapitre traite des principautés héréditaires. Pour Machiavel, ce sont les plus faciles à gouverner, car il considère que la tradition fournit une base pour un gouvernement stable : “ D'ailleurs dans l'ancienneté et dans la longue continuation d'une puissance, la mémoire des précédentes innovations s'efface ; les causes qui les avaient produites s'évanouissent : il n'y a donc plus de ces sortes de pierres d'attente qu'une révolution laisse toujours pour en appuyer une seconde. ”.

Le chapitre III réfléchit aux “ principautés mixtes ”. Machiavel définit cette forme de principauté comme “ p​as entièrement nouvelle, mais ajoutée comme un membre à une autre, en sorte qu'elles forment ensemble un corps qu'on peut appeler mixte ”. Il désigne ici des États issus de la conquête d’un territoire. Machiavel donne deux exemples de telles formes étatiques : l'Empire romain – qu’il considère comme un succès – et le roi français Louis XII – qui a échoué.

Le succès des Romains, selon Machiavel, repose sur les colonies qu’ils ont créées dans les territoires conquis, dont les populations n’avaient pas les moyens de se défendre. Les envahisseurs romains ont combattu la pauvreté tout en empêchant toute forme de partage ou de répartition du pouvoir. Ils ont interdit à toute personne étrangère à l’empire d’exercer un rôle politique. Pour Machiavel, qui considère que la guerre n'est jamais évitable, les Romains se sont imposés car il n’ont jamais laissé un problème s’installer. L’auteur critique fortement toute forme de procrastination en politique.

Machiavel énumère ensuite les erreurs de Louis XII pour expliquer son échec à conquérir des États italiens. Louis XII est entré en Italie poussé par l'ambition des Vénitiens, qui voulaient prendre le contrôle de la moitié de la Lombardie. Il a ensuite réprimé les pouvoirs des plus faibles (les petits États), a renforcé la puissance d'un pouvoir majeur (l'Église), puis introduit un pays étranger puissant dans le conflit (l'Espagne). Il n'a jamais établi de colonies en Italie et a privé ses anciens alliés vénitiens de leur pouvoir.

Analyse

La méthodologie de Machiavel dans ces premiers chapitres est quasi-scientifique. Il utilise un système de classification, ordonnant les États comme des espèces dans une sorte de taxonomie politique. Il étaie chacune de ses affirmations avec un exemple historique. Il développe ses arguments sous la forme d’un enchaînement thèse-antithèse soigneusement élaboré.

Ses exemples sont pour la plupart tirés de l'histoire italienne. Machiavel cite le cas du duc de Ferrare, qui a résisté aux attaques des Vénitiens en 1484 et du pape Jules II en 1510, puis discute de l'Empire romain, comparant la stratégie de colonisation des empereurs avec la tentative infructueuse du roi Louis XII de prendre le contrôle de l'Italie.

Machiavel construit (subtilement dans ces premiers chapitres, puis plus ouvertement par la suite) une vision de l'Italie ancrée dans une spécificité historique qui permet de dégager un ensemble de règles selon lesquelles opère la science politique. Il y a une dialectique curieuse entre l’évocation abstraite des principautés, que Machiavel traite comme des variables dans une équation mathématique, et la précision avec laquelle il aborde l'histoire italienne. On ne peut que supposer que l'Italie est le cadre de la théorie de Machiavel et qu'il cherche, dans Le Prince, à proposer des méthodes qui rendraient possible l'unification de l’Italie.

Machiavel propose, outre des exemples historiques, des éléments de philosophie et de réflexion sur la condition humaine. Il est souvent considéré comme un humaniste laïc. Machiavel se réfère aux êtres humains comme étant des agents dotés de libre arbitre, changeants, avec des qualités et des défauts. Pour Machiavel, l’ultime variable qui détermine le succès en politique est la nature humaine.

Machiavel fonde sa théorie politique sur l’analyse du comportement humain : “ les hommes doivent être ou caressés ou écrasés : ils se vengent des injures légères ; ils ne le peuvent quand elles sont très grandes ”. Il est humaniste dans la mesure où il réfléchit continuellement à l’existence humaine, considérant que le pouvoir et son acquisition sont le reflet d'une humanité qu’il considère universelle. Il ne cite jamais de peuple en particulier lorsqu’il analyse les comportements humains, supposant un certain universalisme de l’humain et précédant certains philosophes universalistes comme Kant. Il s’inscrit ainsi comme un auteur clé de la Renaissance.