Le Prince

Le Prince Ironie

L’impuissance de l’individu

“ Je n’ignore pas que beaucoup ont pensé et pensent encore que les choses du monde sont gouvernées par Dieu et par la fortune, et que les hommes, malgré leur sagesse, ne peuvent les modifier, et n’y apporter même aucun remède. ”

Dans cette citation qui se démarque du reste du Prince, Machiavel semble impliquer que le destin de tout individu est gouverné par Dieu et par le hasard, introduisant une possible coexistence entre une vision religieuse et une vision séculaire du destin. Il semble ainsi considérer que face à ces puissances, nous ne maîtrisons pas nos existences. Toutefois, dans Le Prince, l’auteur fait l’éloge du libre arbitre de l’individu et propose un traité méthodologique de la gouvernance politique, impliquant que les décisions humaines jouent un rôle crucial dans l’avenir d’une population ou d’un État. Pourquoi nous donnerions-nous du mal si nos actions et nos choix n’ont pas d’impact sur le cours des choses ? Machiavel suggère dans le reste de l’œuvre que l’action humaine, même si elle peut être contrariée par le hasard, n’est pas entièrement vaine : elle agit, aux côtés du destin, comme une force qui modèle nos existences.

La description ironiquement idyllique des États ecclésiastiques

Machiavel décrit avec ironie les États ecclésiastiques (sous le contrôle du pape). Il affirme que ces États, censés représenter la bonté religieuse, ne peuvent être conquis que par hasard ou par vertu ; or, ces deux qualités ne permettent pas d’administrer ou de conserver des territoires conquis. Par ailleurs, Machiavel fait allusion au mode de gouvernance des papes, qui n’est en aucun cas un modèle de vertu. Il cite l’exemple du pape Alexandre VI qui a enrichi les trésors et utilisé les armes de l’Eglise, déclenchant de nombreux conflits armés et créant une instabilité politique dont les effets sont encore présents à l’époque de Machiavel.

L’éloge ironique de la bonne parole

En abordant les qualités que doivent développer les souverains, Machiavel remarque ironiquement " Combien il est louable à un prince de tenir sa parole, (...) chacun en convient ”. Toutefois, il note juste après que l’honnêteté d’un souverain ne lui permettra pas de conserver et de diriger un État, et recommande donc au contraire aux dirigeants d’user de la ruse et de mentir pour servir leurs intérêts, tant que cette déloyauté n’est pas mise à jour : " Les princes qui ont fait de grandes choses sont ceux qui ont tenu peu compte de leur parole. ”.

La réputation

Machiavel note qu’un souverain doit entretenir une bonne réputation, mais qu’il importe peu que cette bonne réputation soit fondée. Au contraire, assure-t-il, elle ne doit être qu’apparente. Le souverain peut donc se créer de fausses difficultés afin de sembler bon, efficace et puissant en les surmontant devant ses sujets. De même, Machiavel conseille aux dirigeants de confier les tâches désagréables à des ministres ou des conseillers et de ne se charger ouvertement que des actions qui les rendront aimés aux yeux de leurs peuples. L’auteur finit par noter que la bonne réputation repose principalement sur une apparence ostensible, alors que la véritable vertu est en réalité discrète, voire invisible.