Manon Lescaut

Manon Lescaut Questions de Dissertation

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    Manon Lescaut est-elle la véritable héroïne du roman ?

    On abrège souvent le titre du roman de l’Abbé Prévost Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut en simple Manon Lescaut. Il est, dès lors, légitime de s’interroger sur le statut de Manon dans le roman dont elle dispute la première place avec Des Grieux.

    Manon peut être considérée comme l’héroïne du roman de l’Abbé Prévost en cela qu'elle semble le moteur du récit. C’est sa rencontre avec Des Grieux qui fait naitre la passion du jeune homme et ses trahisons ponctues le roman jusqu’à son issue fatale. Cependant, il convient ici de questionner la notion d’héroïsme. Manon ne semble pas répondre aux critères conventionnels du « héros ». Sa légèreté et sa vénalité s’opposent aux valeurs de loyauté et de générosité traditionnellement attribués aux héros. Cependant, par sa vie tourmentée et son destin tragique, elle incarne la figure de l’héroïne pré romantique, belle, mystérieuse et promise à la mort.

    À l’inverse, Des Grieux semble remplir les critères du héros romanesque au sens traditionnel. Issu d’une famille noble et ayant reçu une solide éducation, il incarne une certaine constance dans l’ensemble du roman et fait preuve à plusieurs reprises de courage et de loyauté. De plus, sa proximité avec le lecteur ainsi que sa place de narrateur peuvent justifier sa place de personnage principal du récit.

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    La mise en scène de la transgression est-elle une source de plaisir pour le lecteur ?

    La transgression est au cœur des différents thèmes traités par l’Abbé Prévost dans son roman Manon Lescaut. Les personnages transgressent en effet, à de nombreuses reprises, les lois, la morale et la bienséance.

    Dans le cadre littéraire, la transgression peut être perçue comme une source de suspense pour le lecteur qui suit les aventures de héros à la vie agitée. Leur comportement transgressif est souvent source de dangers et de risques qui alimentent le récit. Ainsi, le lecteur prend plaisir à suivre les déboires de personnages en marge et éprouve une excitation liée à la défiance des normes et à l'exploration de l'inconnu.

    Cependant, la transgression dans le roman Manon Lescaut n’est pas qu'un vecteur de plaisir pour le lecteur mais aussi une source de réflexion morale pour ce dernier. En effet, si l’Abbé Prévost prend plaisir à illustrer les aventures rocambolesques de ses deux héros, les divers châtiments qu'ils subissent apparaissent à plusieurs reprises comme des punitions de leurs actes et font office d’avertissements pour le lecteur.

    En somme, si l’intention morale du roman est affirmée par l’Abbé Prévost, ce dernier met en place une sorte de morale de la transgression dans laquelle la puissance de l'amour peut être finalement considérée comme la véritable leçon du roman.

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    En quoi Manon et Des Grieux, peuvent-ils être qualifiés de personnages marginaux?

    On entend par marginal un personnage qui vit en marge de la société organisée, faute de pouvoir s'y intégrer ou par refus de se plier à ses normes. Des Grieux et Manon peuvent être qualifiés de marginaux car ils ne parviennent pas à se conformer à la vie morale et vertueuse attendue d’eux dans le contexte de la société du XVIIème siècle. Manon peut être considérée comme en marge de la société en cela qu'elle refuse la pudeur et la docilité des jeunes filles de son âge. Elle est surtout attirée par les plaisirs et les richesses ainsi qu'à la vie parisienne. Sa fuite avec Des Grieux au début du roman, alors qu'elle était envoyée au couvent par ses parents, illustre parfaitement cette mise à distance de l’héroïne vis-à-vis d’une vie vertueuse et morale. Son exil et sa mort à la Nouvelle-Orléans, après le faste de la vie en métropole, apparaissent comme un rappel tragique de sa condition.

    Des Grieux appartient, lui, à une famille de tradition chrétienne issue d'une lignée héroïque. Rien ne le prédestine, à l’origine, à devenir un marginal. C’est sa passion pour Manon qui l’entraine vers la débauche. Il abandonne sa vie de chevalier puis de religieux et passe d’un statut noble à celui d’un déclassé, renié par son propre père.

    Le roman tout entier entraine le lecteur dans un univers social marginal qui suscite sa curiosité. La mise en scène des aventures de personnages marginaux apparait donc comme une stratégie romanesque permettant de susciter l’intérêt du lecteur.

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    L’histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est-il un roman moral ?

    Dans son « Avis de l'auteur », l’auteur légitime son roman et l’histoire qu'il met en scène par l'intérêt moral qu'il présente : « On y trouvera peu d'événements qui ne puissent servir à l'instruction des mœurs. ».

    Le romancier peint ainsi les excès de la passion dans le but d’en inspirer la crainte. Malgré le récit des aventures romanesques des deux héros suscitant le plaisir de la lecture, la morale est sensible à de nombreuses reprises dans le roman à travers les diverses punitions que subissent les héros (emprisonnement, exil, mort). La fin du récit, marquée par la mort de Manon et le retour de Des Grieux à une vie morale et vertueuse semble donc édifiante pour le lecteur.

    Mais il semblerait, en réalité, que le roman de l’Abbé Prévost soit investi d’une double mission faisant écho au précepte d’Horace « placere et docere », c’est à dire plaire, en narrant des aventures de « fortune et d’amour » mais aussi instruire en dénonçant les dangers de la passion et d’une existence menée en marge de la société.

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    En quoi le roman Manon Lescaut peut-il être qualifié de tragédie ?

    Même si il ne respect pas au sens strict la structure d’une tragédie classique, le roman Manon Lescaut en emprunte certains codes permettant alors de la qualifier de tragédie.

    D’une façon générale, le texte de l’Abbé Prévost présente un fort aspect théâtral. Plusieurs scènes sont dignes de réelles mises en scènes et les réactions excessives des personnages empruntent parfois aux codes du jeu scénique. Le style même du texte relevant souvent d’un registre lyrique ainsi que l’emploi d’un champ lexical du tragique, participe à cette dénomination. La structure du roman, elle aussi emprunte aux procédés de la tragédie en faisant alterner de multiples rebondissements et coups de théâtre avec des moments plus réflexifs où le lecteur accède aux pensées du héros. Enfin, le rôle central de la passion et de la fatalité en fait un point commun fort avec le théâtre tragique. Comme dans ce dernier, le héros du récit est soumis à la fatalité qui semblent incapables de s’en extraire du premier coup de foudre jusqu’à l’issue tragique.

    Ainsi, le récit de l’Abbé Prévost semble viser la catharsis, à la fois de l’auteur lui-même mais surtout du lecteur qui, face à cette passion dévastatrice, éprouve pitié et crainte.