L'Étranger

L'Étranger Résumé et Analyse

Résumé chapitre 4

Meursault commence en disant qu'il est toujours intéressant lorsque les gens parlent de lui. Cependant, il est agacé que son avocat ne lui permette pas d'interrompre. Il est l'accusé et cela devrait compter pour quelque chose. Pourtant, il n'a pas grand-chose à dire et les gens perdraient probablement leur intérêt pour lui comme il le fait avec le discours du procureur. D'après ce qu'il entend, le procureur essaie de prouver que le crime de Meursault était prémédité. Sa preuve est les faits du crime et son âme criminelle telle qu'elle ressort de ses actions envers sa mère. Il donne une interprétation de la relation de Meursault avec Raymond qui pourrait être plausible, car, à en juger par les faits, il pourrait être complice de Raymond. Meursault réalise qu'il est condamné pour être intelligent - une qualité positive pour un homme normal est un acte d'accusation pour un coupable. Le procureur pleure alors que le pire de tout, Meursault n'a jamais ressenti de remords pour son crime. Son attaque est si implacable que Meursault souhaite pouvoir expliquer qu'il n'a jamais ressenti de remords pour quoi que ce soit et que souvent son esprit passe simplement au moment suivant. Le procureur dit que l'âme de Meursault est vide des principes moraux appropriés de l'homme. Il passe le discours à l'attitude de Meursault envers Maman et parle beaucoup plus longtemps que sur le crime. Il conclut en comparant l'affaire de Meursault au procès de parricide à suivre, affirmant que le manque d'humanité de Meursault est bien pire que celui du parricide, et en est un prélude. Meursault n'a pas sa place dans la société humaine puisqu'il ne respecte aucune de ses règles, déclare-t-il avant de demander la peine de mort et de qualifier Meursault de monstre.

Lorsqu'on lui demande s'il a quelque chose à ajouter, Meursault affirme qu'il n'avait jamais l'intention de tuer l'Arabe. Il est troublé lorsqu'on lui demande pourquoi il a tué et finit par dire le soleil. La salle rit. Son avocat demande que sa conclusion soit reportée à l'après-midi. À ce moment-là, Meursault remarque combien le discours de son avocat est interminable et comment il utilise étrangement le pronom " je " pour Meursault. Meursault a l'impression que cela le réduit et l'exclut dans une salle d'audience dont il était déjà très éloigné. Son avocat semble ridicule et moins talentueux que le procureur. L'avocat reprend chaque point avancé par l'accusation, sauf les funérailles, ce que Meursault pense être une erreur. Pourtant, ce dont il se souvient le plus du procès, c'est d'être étourdi et d'entendre les bruits extérieurs d'un vendeur de glaces au lieu de son avocat. Il se rappelle sa vie précédente où il avait trouvé des joies simples et durables. Le processus judiciaire dont il fait partie semble totalement futile. Il souhaite pouvoir retourner dans sa cellule et dormir. L'avocat demande au jury de ne pas condamner un homme qui a perdu le contrôle juste un instant et qui souffre déjà d'un remords éternel.

À la fin du discours, Meursault se rappelle qu'il avait oublié Marie et croise son regard. Il est incapable de lui rendre son sourire. Meursault est conduit hors de la salle pour attendre que le jury décide et son avocat semble très aimable, expliquant qu'ils ne pourraient pas annuler un verdict défavorable mais qu'ils pourraient toujours faire appel. Meursault accepte cela et est enfin rappelé dans la salle d'audience pour entendre sa condamnation. Il n'est pas autorisé à entendre le verdict qui précède. Il ressent une étrange sensation en marchant et entend l'annonce qu'il sera décapité publiquement au nom du peuple français. Le juge lui demande s'il a quelque chose à dire et Meursault réfléchit puis répond qu'il n'a rien à dire. Ils l'emportent.

Analyse du chapitre 4

De manière caractéristique, Meursault est intéressé à entendre les plaidoyers des deux avocats car il veut entendre les gens parler de lui. Dépourvu de peur, d'urgence ou d'appréhension, Meursault pense uniquement que ce sera intéressant comme s'il était quelqu'un dans le public. Il s'est d'une certaine manière encore plus éloigné de la salle d'audience qu'il ne le ressentait auparavant car l'agence de la voix lui a été retirée. Il ne peut pas parler en sa défense car son avocat lui dit sans cesse qu'il nuirait à l'affaire. Son idée selon laquelle l'accusé devrait avoir le droit de parler est mise en perspective lorsque nous réalisons qu'il a peu à voir avec les procédures. La première moitié entière du roman sera rembobinée et racontée par d'autres narrateurs, les avocats, et tordue en une histoire qu'ils veulent raconter au jury : celle d'un homme monstrueux et insensible et celle d'un homme souffrant d'un profond remords. Aucun des récits n'est vrai.

La subjectivité du jugement devient de plus en plus évidente dans ce chapitre alors même que Meursault note que la série d'événements et de motivations que le procureur met en place est plausible. L'insensibilité dépeinte au jury concernant ses actions le jour et les jours suivant l'enterrement de Maman est vraie mais sans rapport avec le crime. Les actions de Meursault sont facilement détournées en un plan sournois, créant un homme avec des intentions d'action future et de vengeance passée, des qualités que nous savons que Meursault n'a jamais montrées. Ironiquement, Meursault est condamné pour être immoral et insensible mais il est inculpé par des preuves strictement contraires à la personne qui est sous le feu des projecteurs. Meursault agit de manière ponctuelle et sachant sa fondation dans l'Absurde, nous pouvons comprendre qu'il n'était pas dans sa nature d'interférer lorsque Raymond battait sa petite amie ou de pleurer aux funérailles. Meursault relève également une autre incohérence dans l'accusation. Il est inculpé parce qu'il est intelligent. Les moments du premier chapitre sont tordus, déformés et jetés au visage de Meursault. Il n'est pas autorisé à avoir agi sans intention s'il est intelligent. Pourtant, il est autorisé à être vide d'âme. La création de qualités dans le caractère de Meursault par l'accusation fait écho au sens et à la valeur que Meursault découvrira plus tard qu'il a le pouvoir de créer dans sa propre vie. Paradoxalement, il doit être défiguré de cette manière avant de pouvoir trouver ce pouvoir.

Sans surprise, le procureur parle beaucoup plus longuement de Maman que du crime, soulignant le véritable objectif de ce procès. Il affirme même que le procès a pris le pas en importance et en nature vile sur le procès de parricide à suivre. Le meurtre moral de sa mère, selon le procureur, est plus odieux que le meurtre physique d'un père ou d'un Arabe. Ainsi, nous voyons la métaphore du thème de Camus du moral qui est donné priorité sur le physique. L'argument est utilisé contre Meursault parce qu'il était incapable de vivre une vie morale en raison des normes de la société. Camus veut qu'il trouve sa moralité par un autre moyen. Cependant, Meursault a du mal à prêter attention à l'un ou l'autre avocat et remarque plutôt qu'il fait chaud pendant le réquisitoire du procureur. Meursault a sa chance de répondre et le juge est heureux d'entendre qu'il a une défense. Pourtant, lorsqu'on lui demande pourquoi il a tué s'il n'avait pas l'intention de le faire, Meursault ne peut pas répondre. Ce moment fait écho à l'interrogatoire du magistrat et à la façon dont Meursault ne savait tout simplement pas comment répondre à pourquoi il a hésité avant de tirer les quatre derniers coups de feu. Il n'y avait pas de raisonnement. Camus a créé un meurtrier sans aucune justification et force notre société à faire face à lui. Meursault n'est pas un monstre mais il n'est pas innocent non plus. Il n'avait aucun motif ou justification pour son acte. Tout ce dont il se souvient, ce sont les effets des éléments physiques de la journée, à savoir le soleil brûlant et le sable rouge. La cour rit seulement, ce type d'humain ne peut pas être réel.

L'humanité de Meursault est réduite encore davantage lors de la plaidoirie de son propre avocat. Il comprend que le remplacement de son propre nom par le pronom "je" par l'avocat est une exclusion supplémentaire de sa propre voix du procès. Il n'est pas jugé, mais ses valeurs le sont. Le talent moindre de son avocat par rapport au procureur est évident pour Meursault, qui a l'impression d'observer tout le processus plutôt que d'y participer. Camus a mis en place le cas ironique où l'homme condamné pour son indifférence et son évitement du code sociétal est mis de côté par le tribunal et contraint d'être l'étranger alors qu'il souhaiterait pouvoir parler en sa propre défense. La distance de Meursault le conduit au marchand de glaces dehors plutôt qu'au discours de son avocat. Il est attaqué par des souvenirs, commençant à ressentir le pouvoir de la mémoire et la valeur des moments de la vie qui apportent du bonheur. Ces moments avec Marie et la natation lui appartiennent et sont à chérir, mais il a perdu la capacité de profiter et de former de nouveaux moments. Cette perte le frappe pour la première fois et c'est face à cette perte qu'il est capable de réaliser une valeur intrinsèque qu'il avait jusqu'ici ignorée dans les moments perdus. Confronté à ses souvenirs et au vide de la salle d'audience ajournée, du soleil se couchant à la fois physiquement et métaphoriquement, Meursault ne peut rien ressentir dans son cœur pour son environnement.

Lorsque Meursault est conduit dans la salle d'audience pour apprendre qu'il sera décapité par la guillotine, les moments passent très vite. Il ne regarde personne dans les yeux et la plupart des regards se détournent. Il est un homme condamné. Remarquez que la bizarrerie du verdict est répercutée dans le langage bizarre que Meursault nous dit que le verdict est lu. L'affirmation selon laquelle il est tué pour le peuple français sur la place publique est à la fois surréaliste et contredite par les sentiments qu'il perçoit sur les visages de ceux qui se tournent maintenant vers lui. La douceur et la considération envers un homme qu'ils viennent de condamner semblent déplacées et paradoxales. Le processus a été ridicule et prend une fin ridicule où un homme est condamné pour autre chose que le crime qu'il a commis, puis est condamné à mort au nom de nombreux autres qu'il ne rencontrera jamais. Meursault n'a rien à dire car cela n'aurait pas d'importance. Les chemins sous le soleil auraient pu mener ailleurs de toute façon.

Résumé Chapitre 5

D'autres fois, Meursault inventerait de nouvelles lois pénales où le condamné aurait une légère chance de s'échapper à chaque fois. Il imagine un mélange de produits chimiques qui tuerait un homme qui le boirait neuf fois sur dix. Le problème avec la guillotine était qu'elle n'offrait même pas la plus infime des possibilités. Encore pire, le condamné doit espérer que tout se passe bien du premier coup, ce qui crée une situation paradoxale où le condamné est " contraint à une sorte de collaboration morale ". Il est perturbé de réaliser qu'il a imaginé la guillotine de manière beaucoup plus romancée comme pendant la Révolution française, alors qu'en réalité elle est plus simple et au niveau du sol, donc il faut s'en approcher comme un autre homme. Deux autres choses lui viennent constamment à l'esprit : son appel et l'aube. Il essaierait d'imaginer son cœur ne battant plus, mais n'y parvenait pas. Il pensait que les bourreaux viennent toujours à l'aube, alors il restait éveillé la nuit en attendant, pour ne pas être surpris. Il trouvait que les lueurs rouges de l'aube le rendaient toujours heureux car il avait encore vingt-quatre heures de vie. Quant à son appel, il savait être réaliste à ce sujet et s'efforçait de se convaincre qu'il serait refusé. À ce stade, il pouvait se donner la permission de divertir l'idée d'une grâce. S'il pouvait aborder cette idée rationnellement, en ignorant la joie dans son cœur, il bénéficiait d'une heure de calme.

Dans l'une de ces heures, le chapelain lui rend visite. Pour la première fois depuis un moment, Meursault pensait à Marie. Il réalise qu'elle pourrait avoir cessé d'écrire parce qu'elle était malade ou morte et il n'avait pas besoin de penser à elle morte. Personne ne penserait à lui après sa mort. Le chapelain entre et semble doux envers Meursault. Il demande pourquoi Meursault l'a refusé et Meursault répond qu'il ne croit pas en Dieu, expliquant que c'était sans importance. Les pensées du chapelain ne l'intéressent pas vraiment. Il dit qu'il réagit par peur et non par désespoir et explique qu'il ne veut aucune aide car il n'a pas de temps pour ce qui ne l'intéresse pas. Le chapelain adresse à Meursault le terme "mon ami" et déclare que tous sont condamnés à mourir, mais Meursault n'y trouve pas de consolation et déclare qu'il ferait face à une mort ultérieure de la même manière que sa mort imminente. Le chapelain le fixe alors, ce qui rappelle à Meursault un jeu auquel il a joué avec des amis. Il demande à Meursault s'il croit vraiment qu'après la mort il n'y a rien et Meursault répond oui. Le chapelain est très contrarié et explique que la justice divine est tout. Meursault remarque que le chapelain n'a que la pièce pour s'asseoir ou se tenir debout.

Enfin, le chapelain montre du doigt les pierres transpirantes de la cellule et dit même les plus misérables ont vu un visage divin en elles. Meursault connaît bien les pierres et le seul visage qu'il a cherché était celui de Marie et il ne l'a jamais trouvé. Le chapelain se demande s'il aime vraiment la terre à ce point. Meursault est sur le point de lui demander de partir, mais le chapelain refuse de croire que Meursault n'a jamais souhaité une autre vie. Meursault est d'accord, il souhaite une vie où il pourrait se souvenir de celle-ci. Le chapelain promet de prier et Meursault s'emporte, attrapant son col et criant. La certitude du chapelain ne vaut rien de réel. Il vit sa vie comme un mort. Meursault ne peut attendre que la mort, mais au moins il pourrait s'y accrocher. Il a fait ses propres choix dans la vie, sachant que rien n'a d'importance. Meursault a attendu toute sa vie ce moment de rédemption. La vie des autres n'affecte pas la sienne, qu'est-ce que cela pourrait faire ? Les gardes l'arrachent au chapelain et le chapelain part.

Calme, Meursault se jette sur le lit et s'endort jusqu'à ce que la clarté des étoiles le réveille. La paix de la nuit d'été le tranquillise. Juste avant l'aube, les sirènes retentissent. Il pense à Maman pour la première fois depuis un moment et parvient à comprendre sa décision de prendre un fiancé si près de la fin. Elle s'était sentie prête à vivre à nouveau face à la mort et personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Meursault se sent également prêt à revivre et se laisse aller à l'indifférence innée du monde, se sentant aussi proche d'elle qu'un frère. Il réalise qu'il avait été heureux et qu'il l'était de nouveau. La consommation finale, espère-t-il, serait une foule de spectateurs haineux lors de son exécution. Alors, il se sentirait moins seul.

Analyse chapitre 5

Le lecteur est transporté dans la cellule avec Meursault à un moment où il a déjà été approché et a refusé trois fois le chapelain. Ses pensées intérieures se tournent pour la première fois que nous voyons des sensations externes qu'il apprécie ou des éléments physiques du monde qu'il observe vers une sorte de peur, d'appréhension et de recherche d'évasion. Il est moins marginalisé par les événements du système judiciaire et des institutions qui l'entourent. Il réalise qu'il est piégé dans une machinerie qu'il serait très difficile d'arrêter. Il y a un sentiment de souhait et de regret pour le passé chez Meursault, ce qui n'était jamais visible auparavant. Il souhaite avoir pris les histoires d'exécutions plus au sérieux auparavant afin de savoir s'il existait un cas où le condamné avait échappé à l'inévitable machinerie de l'État. L'espoir d'un événement futur est né dans l'esprit de Meursault.

Il mentionne que s'il connaissait ne serait-ce qu'une évasion, " mon cœur aurait pris le relais à partir de là ". Son cœur n'a jamais été un problème. Dans la salle d'audience, lorsque les plaidoiries se sont terminées, son cœur était froid. Avec Marie, son cœur était froid. Face à la mort, il souhaite avoir un petit morceau de vie à tenir et à donner à son cœur. Sans rien nourrir son cœur, il souhaite l'avoir toujours nourri. Il aspire à une chance qui pourrait nourrir son imagination et lui offrir la liberté de savoir qu'il existe une possibilité d'évasion. Il mentionne l'espoir et l'imagination comme il ne se serait jamais permis auparavant. Ils n'auraient jamais eu d'importance. Face à la fin de tout, le néant, il réalise qu'ils sont importants pour vivre. L'absurdité des absolus énoncés par le tribunal le frappe avec une telle ironie que le lecteur ne peut s'empêcher d'être d'accord avec lui quant au caractère arbitraire des événements entourant son inculpation. La décision aurait pu aller dans les deux sens. Comment pouvaient-ils décider de la gravité de la vie d'un homme en considérant des notions aussi vagues que le peuple français ? Le peuple français était-il un organe décisionnel d'une voix et d'une intention uniques ? Non, et pourtant ce terme donnait d'une manière ou d'une autre aux tribunaux d'Algérie le droit de juger la moralité d'un homme selon un code qu'ils avaient eux-mêmes codifié.

Meursault se tourne maintenant plus que jamais vers le pouvoir et la nécessité de la mémoire. Il se rappelle des pensées de Maman qui la rendent plus présente que jamais dans la première partie. L'histoire de son père allant aux exécutions donne à Meursault un passé et une réalité qui ne lui avaient jamais été offerts par Camus jusqu'à présent. Il souhaite pouvoir marcher dans les chaussures de son père. Ce désir de préserver le passé ainsi que l'espoir pour l'avenir souligne une différence distincte et monumentale chez le nouveau Meursault. Comme il l'a montré pendant le dernier chapitre, il accueille un passé et un futur.

Meursault commence à apprécier les moments de la vie où l'on peut le faire et à anticiper le fait de le faire et à anticiper de se souvenir de l'avoir fait. Son imagination est enfin mise à contribution et il élabore de nouveaux codes pénaux qui permettent une chance. Auparavant, il aurait dit que le hasard ne faisait aucune différence et qu'un chemin pouvait aller dans les deux sens. Pourtant, face à un chemin ayant une fin finie en vue, il réalise qu'on veut avoir le contrôle sur les arrêts le long du chemin. Il est absurde de vouloir un pouvoir qui n'aura aucune importance à la fin, mais lorsqu'on est confronté à la fin, il réalise que vivre jusqu'à ce point signifie vouloir ce pouvoir. De manière similaire à la manière dont il a mal interprété les idées de la guillotine tirées des images de la Révolution française, ses idées sur ce qui peut être valorisé dans le fait de vivre une vie étaient erronées.

La préoccupation de Meursault pour ses pensées concernant son appel et l'aube s'applique à de nombreuses questions qui ont été discutées à propos de son personnage. L'appel renvoie à son besoin d'espoir, aussi futile qu'il réalise qu'il doit être, et le force à remettre en question ses propres notions de la mort. Bien qu'il sache rationnellement que cela importe peu quand et comment on meurt puisque tout le monde doit mourir, il ne peut s'empêcher de ressentir une vague de plaisir lorsque l'idée que sa mort soit retardée lui vient à l'esprit. Le futur est entré dans son vocabulaire viscéral. Il doit écarter cela pour contrôler ses passions (qu'il n'avait jamais reconnues auparavant) et pour se permettre le rêve encore plus futile d'être gracié. Ce sont ces rêves et ces pensées qui pourraient réussir à calmer Meursault parce qu'il avait ouvert une vanne de réponse émotionnelle, d'attente et d'espoir. Autoriser la grâce apaisait le besoin d'évasion. De plus, Meursault se force à rester éveillé pour l'aube chaque matin car il fait face à la peur et à l'appréhension, à l'attente, de sa propre mort qui surviendra à l'aube. Les rayons de lumière chaque matin alors qu'une autre nuit passe sont des cadeaux pour Meursault et représentent un autre jour de vie.

La vie qu'il est autorisé à vivre un jour à la fois est bien trop limitée pour le champ de vision auquel Meursault est devenu ouvert en affrontant l'approche de sa propre mort. À ses yeux, le chapelain interfère avec la première fois de sa vie où il a essayé de vivre. Il ne décide pas de jouer le jeu des codes de la société et il ne transforme pas son caractère moral. Il reste, comme il le signale avec véhémence au chapelain, sans croire en Dieu ni chercher Son aide. En revanche, le chapelain semble jouer un jeu avec Meursault en le fixant du regard. Meursault soutient fermement que la mort n'apportera que le néant. Cela ne déprime pas Meursault autant que le chapelain. Meursault veut utiliser le temps qui lui reste pour vivre et revivre les moments de sa vie. Lorsque Meursault fait remarquer qu'il n'a jamais vu de visage ni de sueur dans les pierres de sa cellule, le prêtre reconnaît son attachement sincère à la terre plutôt qu'à une force externe ou divine. Meursault vivait maintenant uniquement pour lui-même. Il ne pleure pas la prétendue mort de Marie et n'attend pas que quelqu'un pleure pour lui. En fait, il réalise ce qu'il veut le plus, c'est une autre chance de se souvenir de la vie qu'il a eue et de la revivre à nouveau. Il n'y a pas besoin de pleurer. Il espère simplement pouvoir profiter de se souvenir de cette période passée sur terre un peu plus longtemps.

Meursault se sent disculpé du crime moral dont on l'accuse indirectement parce qu'il réalise que personne ne devrait avoir pleuré pour Maman. Elle avait saisi la chance de vraiment vivre à la fin une fois libérée de ses obligations de vie. Le chapelain, en revanche, ne se concentre pas sur le moment présent mais sur le divin et l'au-delà sur lesquels il n'a aucun contrôle. Meursault reconnaît la croyance de Camus selon laquelle cette tentative de vivre est synonyme de mort. Il faut vivre et donner un sens à la vie sans le prétexte ou la motivation de Dieu ou de l'absolu. Seul l'homme est responsable et sa vie ne vaut pas plus que celle des autres. Il doit la rendre significative pour pouvoir en profiter au maximum. La prose est magnifique à la fin du roman car Meursault a été transformé en le type de héros que Camus recherchait. Meursault vient à bout de l'absurdité de la vie et du néant de la mort et se prépare à affronter les deux de manière égale et courageuse. Camus déclare avec subtilité dans une interview que Meursault est le seul véritable exemple de figure du Christ que nous devrions avoir. Il faut admettre que le Christ aussi est exécuté pour avoir maintenu sa croyance en la vérité.