Célèbre pour sa chronique de la France du XIXe siècle, son activisme politique et ses descriptions franches de la sexualité, Émile Zola était l'un des écrivains les plus ambitieux et les plus influents de sa génération. Aujourd'hui, il est notamment connu pour le cycle des Rougon-Macquart, une série de romans dont l’écriture tente d'appliquer des principes scientifiques et analytiques à la vie quotidienne. Ces idées – en particulier l'observation empirique de la société – sont au cœur du style littéraire dont Zola est le pionnier: le naturalisme.
Les premières années de Zola sont marquées par la tragédie. Le père de Zola, un ingénieur italien nommé Francesco Zola, meurt d'une pneumonie en 1847, et la mère de Zola, Émilie, est embourbée dans un procès les années suivantes . Le jeune Émile passe son enfance dans la campagne d'Aix-en-Provence. Il s'inscrit au collège Bourbon, une école qu'il n’apprécie pas, mais où il rencontre un compagnon précieux : son camarade de classe et futur collègue dans le domaine des arts, le peintre Paul Cézanne.
La famille Zola quitte Aix pour Paris en 1858. Après s'être installé dans la métropole, Zola poursuit sa scolarité au lycée Saint-Louis. Mais il se révèle un mauvais élève, échouant deux fois au baccalauréat, et décide de s'essayer à la poésie. Entre-temps, il travaille également comme clerc au poste des douanes du canal Saint-Martin.
Le début de la carrière de Zola est une période de découverte de soi et de changements précoces. En 1865, il définit certains des principes qui le guideront tout au long de sa vie: “Je tâcherai de ne surprendre que les vérités (…) En un mot, je suis décidé à causer longuement, chaque samedi, sur un unique sujet, à rire d’un travers contemporain, à applaudir ou à siffler le grand homme ou le grand événement du jour”. Le jeune Zola n'est pas dépourvu du sens des affaires : il commence à travailler comme journaliste (il continuera à exercer cette profession, sous une forme ou une autre, jusqu'à la fin de ses jours) et finit par devenir responsable du marketing au sein de la maison d'édition Hachette.
Pourtant, sa gloire littéraire se profile déjà. Après avoir publié le recueil Contes à Ninon (1864) et le roman La confession de Claude (1865), il se fait connaître avec Thérèse Raquin (1867), un roman d'adultère, d'intrigue et de meurtre. Le roman a été attaqué comme étant de la “littérature putride”, un récit macabre ne valant guère mieux que la pornographie. Mais pour Zola, Thérèse Raquin était une enquête nécessaire sur la psychologie et la personnalité. Elle lui a également servi de modèle pour le projet de grand roman qui a bientôt consumé son abondante énergie.
En 1868-1869, Zola élabore le plan d'une série de romans qui suivrait deux familles – les Rougon, de la classe supérieure, et les Macquart, moins aisés – à travers les tumultes du Second Empire. Les questions relatives à la manière dont l'hérédité et l'environnement façonnent le destin des individus sont au centre des préoccupations de Zola. Le premier roman des Rougon-Macquart, La Fortune des Rougon, paraît sous forme de livre en 1871. Il est suivi de romans tels que La Curée (1871) et Son Excellence Eugène Rougon (1876), qui portent sur la haute société parisienne.
Ce sont les romans de Zola sur les classes sociales les moins aisés qui lui ont valu une gloire plus retentissante. Parmi les plus remarquables, citons L'Assommoir (1876), qui traite des ravages de l'alcool chez les commerçants parisiens pauvres, Nana (1879), qui relate les aventures d'une prostituée notoire, et Germinal (1884), qui décrit la rébellion de mineurs dans les provinces françaises. Zola a effectué des recherches approfondies pour ces projets et s'est efforcé de reproduire les dialectes utilisés par ses sujets.
Malgré les opinions politiques de Zola, les romans des Rougon-Macquart ne suivent pas une idéologie rigide ; Zola révèle plutôt les vices et les vertus de toutes les couches de la société et de presque toutes les extrémités du spectre politique. Après avoir conclu la série avec le roman de guerre pessimiste La Débâcle (1892) et la déclaration sociale pleine d'espoir Le Docteur Pascal (1893), Zola entame une nouvelle série aux accents plus critiques: Les Trois Villes. Les romans de sa trilogie, Lourdes (1894), Rome (1896) et Paris (1898) analysent les principes de l'Église catholique. Cet intérêt pour l'idéologie religieuse se prolonge dans le dernier projet romanesque de Zola, un groupe d'œuvres appelé Les Quatre Évangiles, qu'il commence en 1899 et qui restera inachevé.
On se souvient de la dernière décennie de Zola non pas pour ses activités d’écrivain mais pour son rôle dans l'une des grandes controverses politiques de son temps. En décembre 1894, un capitaine de l'armée, Alfred Dreyfus, est reconnu coupable de trahison envers la France et condamné à la prison à vie. Il apparaît rapidement que la sentence n’est pas fondée et reflète une haine antisémite envers Dreyfus, qui est juif. Zola ne peut rester silencieux. Dans une lettre ouverte au gouvernement français intitulée “J'Accuse” (1898), le romancier lance une série d'accusations contre les coupables de la mauvaise gestion de l'affaire Dreyfus, qualifiant ces hommes d’“esprits de malveillance sociale”. Cette lettre lui vaudra un procès pour diffamation et le forcera à s'exiler un an en Angleterre.
Le 29 septembre 1902, Zola s'étouffe dans sa chambre à cause d'une cheminée bouchée. On ignore si sa mort est un accident ou si elle est le résultat d'un assassinat organisé par les anti-dreyfusards. Quoi qu'il en soit, Zola meurt en héros pour de nombreuses personnes. Une foule de 50 000 personnes se rassemble pour ses funérailles et défile en scandant le nom du roman qui, pour de nombreux lecteurs aujourd'hui, est considéré comme son chef-d'œuvre le plus retentissant : “Germinal ! Germinal ! Germinal !”.